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Fantu Cheru, actuellement professeur d'茅tudes africaines et de d茅veloppement 脿 l'American University de Washington est l'auteur de deux livres sur la vie politique et le d茅veloppement en Afrique :听The Silent Revolution in Africa(La r茅volution silencieuse en Afrique), publi茅 en 1990, et听African Renaissance: Roadmaps to the Challenge of Globalization(Renaissance africaine : comment relever le d茅fi de la mondialisation), publi茅 cette ann茅e. Il s'est entretenu avecAfrique Relance听en mars, pendant le Forum africain du d茅veloppement d'Addis-Abeba.

AR : D'o霉 vient la volont茅 d'int茅gration r茅gionale en Afrique ?

F. Cheru :听Deux types de pressions s'exercent sur les gouvernements africains. D'une part, ils veulent proc茅der 脿 l'int茅gration r茅gionale pour rem茅dier 脿 la pauvret茅. Cette demande vient donc d'en bas, de la soci茅t茅. D'autre part, ils subissent des pressions d'en haut, provenant de forces mondiales.

Les pressions ext茅rieures, venant de la mondialisation du commerce, risquent de ne pas s'accorder avec le type d'int茅gration qui privil茅gie la production, et non les 茅changes. Nous devons pouvoir produire. Il faut pour cela un degr茅 important d'int茅gration fonctionnelle, dans les transports, les communications, qui m猫ne 脿 la productivit茅. Et non une int茅gration qui se contente de d茅velopper les 茅changes, de vendre des produits fabriqu茅s dans d'autres pays. Les forces mondiales concernent davantage les 茅changes. Avant de commercer, avant de s'int茅grer aux march茅s mondiaux, il faut cr茅er des conditions qui permettent au secteur priv茅, aux agriculteurs d'augmenter fortement leur productivit茅. Cela n茅cessite des strat茅gies nettement plus ax茅es sur les investissements, dans le domaine de la recherche et du d茅veloppement et des transports.

Les gouvernements africains sont vraiment pris en sandwich entre cette pression d'en bas qui les incite 脿 lutter contre la pauvret茅 end茅mique et les imp茅ratifs des forces mondiales, qu'il sera tr猫s, tr猫s difficile d'accommoder. Beaucoup de questions ne font l'objet d'aucun d茅bat. Le constitutionnalisme n茅o-lib茅ral s'est maintenant impos茅. Dans ces conditions, quelle marge de manoeuvre peut-on avoir ? Tr猫s peu de pays ont la possibilit茅 de r茅pondre 脿 cette question. La plupart accordent davantage d'attention aux demandes ext茅rieures qu'脿 celles de l'int茅rieur.

AR : Et quels sont les obstacles int茅rieurs 脿 l'int茅gration ?

F. Cheru :听L'int茅gration a toujours 茅t茅 une question inter-gouvernementale. Ceux qui produisent et qui commercent en ont donc 茅t茅 exclus. Premi猫rement, il y a lieu de se demander si les gouvernements avaient vraiment int茅r锚t 脿 promouvoir le d茅veloppement en Afrique. Deuxi猫mement, aucune des initiatives entreprises par le pass茅 n'a jamais 茅t茅 int茅gr茅e aux plans nationaux et assortie d'allocations budg茅taires. Troisi猫mement, on ne peut faire de progr猫s importants dans un contexte o霉, depuis 30 ou 35 ans, il n'y a eu que des dictateurs dans l'ensemble du continent.

Le secteur priv茅 local a toujours 茅t茅 tenu 脿 l'茅cart et maltrait茅. Le r么le de l'Etat a consist茅 脿 contr么ler plut么t qu'脿 faciliter les choses. La soci茅t茅 dans son ensemble fait donc preuve de beaucoup de scepticisme. La question est maintenant la suivante : Que signifie la formation de l'Union africaine ? Comment peut-on s茅rieusement poser cette question ?

AR : Vous 锚tes pessimiste quant au r么le des gouvernements. Que pensez-vous du secteur priv茅 ?

F. Cheru :听Le secteur priv茅 est encore faible. Ses capacit茅s de r茅action d茅pendent du capital humain dont il dispose, de la recherche et du d茅veloppement qui influencent la qualit茅 des produits. A l'heure actuelle, les ressources humaines sont mises en valeur, mais sans 锚tre reli茅es 脿 la cha卯ne de production. Le secteur priv茅 a de tr猫s nombreuses lacunes. Mais il peut faire preuve de dynamisme si d'autres 茅l茅ments viennent compl茅ter les innovations qui y sont r茅alis茅es.

Il est n茅cessaire de proc茅der 脿 l'int茅gration au sein m锚me des 茅conomies nationales. En quoi est-ce que les strat茅gies industrielles compl猫tent la production agricole, et vice versa ? Si l'on consid猫re les pays de l'Asie de l'Est, c'est de cette fa莽on qu'ils ont commenc茅. Avant de s'imposer sur des march茅s 脿 l'exportation sp茅cialis茅s 脿 la fin des ann茅es 60 et au d茅but des ann茅es 70, ils ont cr茅茅 des secteurs agricoles et industriels beaucoup plus dynamiques et productifs, qui se compl茅taient. La demande provenant de chaque secteur a entra卯n茅 des innovations. Et ensuite ils ont d茅velopp茅 des exportations sp茅cialis茅es.

Ici, nous produisons des poup茅es Barbie, tandis que les agriculteurs ont besoin d'autre chose. Nous devons adopter une strat茅gie industrielle tr猫s s茅lective. Comment est-ce que les diff茅rentes pi猫ces du puzzle s'assemblent ? C'est ce genre de r茅flexion qu'il faut mener. Mais au lieu de cela, nous avons tendance 脿 pr茅voir l'avenir comme les anciens pr茅disaient le temps qu'il ferait, en levant un doigt.

Il est tr猫s utopique de penser qu'il suffit de signer un accord pour que le reste se mette en place tout seul. Nous devons 锚tre plus pragmatiques, de fa莽on 脿 montrer des r茅sultats 脿 la population, des r茅sultats concrets, dans la vie de tous les jours. Les gens passent des heures aux postes de douane. La suppression de ces obstacles n'entra卯ne aucun co没t financier. Beaucoup de ces mesures ne co没tent rien en fait. Il s'agit simplement de s'attaquer aux r茅glementations, de rendre les institutions publiques plus transparentes. Il faudra d茅penser de l'argent dans certains secteurs, comme l'infrastructure, etc. Mais la question est de savoir comment donner aux gens les informations dont ils ont besoin, 脿 temps, et de tirer parti du dynamisme de la population.