Un jour de f茅vrier 2020, Meron Dagnew, commer莽ante de caf茅 et de cacao bas茅e 脿 Accra, s'est rendue au secr茅tariat de la nouvelle zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECA) pour se pr茅senter, avant m锚me que le secr茅tariat ne soit pleinement op茅rationnel.
"Je ne pouvais pas attendre", a-t-elle d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau lors d'une r茅cente interview, "j'ai besoin que le libre-茅change en Afrique se mette en place le plus rapidement possible ; ce sera tellement b茅n茅fique pour mes affaires".
Le secr茅tariat de la ZLECA a officiellement ouvert 脿 Accra le 17 ao没t 2020, bien que, en raison de la pand茅mie de la COVID-19, le libre-茅change commencera d茅sormais le 1er janvier 2021 au lieu de la date initialement pr茅vue du 1er juillet 2020.
Mme Dagnew est impatiente de profiter des tarifs r茅duits et d'un march茅 consolid茅 - retomb茅es potentielles de la ZLECA - pour d茅velopper les activit茅s de son entreprise, BE Kollective qui importe du caf茅 茅thiopien au Ghana et exporte du cacao ghan茅en en 脡thiopie.
"J'esp猫re ne pas avoir 脿 payer jusqu'脿 35 % de droits de douane sur mes marchandises ; j'esp猫re pouvoir bient么t acheminer mon cacao et mon caf茅 脿 valeur ajout茅e vers les pays africains sans probl猫me de r猫gles d'origine. Je pourrais alors faire plus de b茅n茅fices, d茅velopper mon entreprise et embaucher plus de personnes", dit-elle.
L'脡thiopie est l'un des plus grands producteurs de caf茅 au monde et le Ghana est le deuxi猫me producteur de cacao au monde, apr猫s la C么te d'Ivoire. Mme Dagnew est particuli猫rement attir茅e par le march茅 de l'Afrique de l'Ouest, qui compte 380 millions de personnes.
Les droits de douane 茅lev茅s et les barri猫res non tarifaires telles que les retards en douane et les goulets d'茅tranglement administratifs aux postes fronti猫res soulignent les d茅fis auxquels sont confront茅s les commer莽ants africains et accentuent en m锚me temps le d茅sir ardent des commer莽ants de disposer d'une zone de libre-茅change.
La ZLECA 茅limine les droits de douane sur 90 % des biens produits sur le continent, s'attaque aux obstacles non tarifaires au commerce et garantit la libre circulation des personnes.
L'activit茅 de Mme Dagnew a ralenti en mars 2020, au moment o霉 la pand茅mie commen莽ait 脿 faire rage. Alors que les 茅conomies africaines commencent 脿 s'ouvrir lentement tout en s'adaptant aux r茅alit茅s de la pand茅mie, Mme Dagnew a l'intention de relancer les 茅changes commerciaux prochainement.
Cependant, elle s'inqui猫te d'autres d茅fis structurels pour le commerce intra-africain, comme la concurrence avec les grandes marques mondiales qui se font concurrence sur un terrain de jeu in茅gal. Par exemple, BE Kollective, selon Mme Dagnew, est en concurrence avec Nescaf茅, qui est import茅 au Ghana par les d茅taillants.
"Le probl猫me est que les importateurs de Nescaf茅 en provenance de pays d'Europe ou d'Asie paient des droits de douane beaucoup moins 茅lev茅s que les miens car ces pays ont des accords commerciaux favorables avec les pays africains", souligne-t-elle. "Par cons茅quent, les chances sont actuellement contre nous, les commer莽ants intra-africains".
Mme Dagnew s'inqui猫te 茅galement du fait que les services douaniers des pays ne disposent pas d'informations ad茅quates sur la ZLECA.
"Il n'y a pas longtemps, je suis all茅e au service des douanes du Ghana et je leur ai dit que je n'aurais pas besoin de payer des droits de douane 脿 un moment donn茅 gr芒ce 脿 la ZLECA. Ils n'ont pas compris de quoi je parlais", se souvient-elle. "Il y a beaucoup de commer莽ants qui n'ont aucune id茅e de ce qu'est la ZLECA".
Elle recommande une campagne d'information massive pour sensibiliser les services douaniers, les commer莽ants et les autres acteurs cl茅s des pays participant 脿 la zone de libre-茅change 脿 la ZLECA.
Manque d'infrastructures
Le manque d'infrastructures de transport modernes et ad茅quates entrave 茅galement le d茅sir des commer莽ants de tirer pleinement parti des avantages du libre-茅change, comme le montrent les 茅tudes. Avec des infrastructures de transport ad茅quates et une forte int茅gration, les fabricants de biens de consommation pourraient gagner jusqu'脿 326 milliards de dollars par an, selon McKinsey & Company, une soci茅t茅 de conseil en gestion bas茅e aux 脡tats-Unis.
Et selon la Banque mondiale, il faut environ trois semaines et demie pour qu'un conteneur de pi猫ces automobiles soit d茅douan茅 par les douanes congolaises. Alors que les pays d'Afrique de l'Est, la Tanzanie et l'Ouganda, ont mis en place un poste fronti猫re unique pour r茅duire le temps de circulation des marchandises entre eux, de nouveaux retards sous la forme de normes divergentes pour les marchandises sont rapidement apparus, soulignant la nature changeante des barri猫res non tarifaires.
Selon la Conf茅rence des Nations unies sur le commerce et le d茅veloppement, l'entit茅 des Nations unies qui traite des questions d'investissement commercial et de d茅veloppement, les pays africains pourraient engranger 20 milliards de dollars par an en s'attaquant simplement aux barri猫res non tarifaires qui ralentissent la circulation des marchandises.
Les efforts de l'Union africaine (UA) pour stimuler les infrastructures par le biais de son Programme pour le d茅veloppement des infrastructures en Afrique (PIDA) devraient aboutir 脿 la cr茅ation du corridor de transport Lagos-Abidjan, de la ligne de transmission 茅lectrique Zambie-Tanzanie-Kenya, de l'autoroute Lagos-Alger et du pont Brazzaville-Kinshasa, entre autres.
Mais les experts encouragent les diff茅rents pays 脿 investir dans des infrastructures portuaires, a茅roportuaires et ferroviaires modernes.
Les femmes commer莽antes
Les d茅fis auxquels sont confront茅es les femmes commer莽antes sont largement 茅voqu茅s dans les conversations commerciales intra-africaines. 听
Les femmes constituent 70 % des commer莽ants transfrontaliers informels d'Afrique et, selon une 茅tude r茅alis茅e en 2019 par ONU Femmes et intitul茅e听Opportunities for Women Entrepreneurs in the Context of the AfCFTA, les commer莽antes africaines sont souvent confront茅es 脿 la corruption, 脿 l'ins茅curit茅 et au harc猫lement sexuel.
L'accord de la ZLECA lui-m锚me exige des pays qu'ils prot猫gent les personnes vuln茅rables, y compris les femmes commer莽antes, et qu'ils s'attaquent 脿 la corruption.
Les 脡tats africains ayant conclu des accords commerciaux bilat茅raux avec des pays 茅trangers ou d'autres r茅gions comme l'Union europ茅enne devront marcher sur la corde raide pour respecter leurs engagements pr茅alables tout en mettant en 艙uvre l'accord de libre-茅change avec l'Afrique.
En f茅vrier 2020, par exemple, le g茅ant 茅conomique de l'Afrique de l'Est, le Kenya, a entam茅 des n茅gociations commerciales bilat茅rales avec les 脡tats-Unis, ce qui semble aller 脿 l'encontre de l'engagement pris par le pays de cr茅er une zone de libre-茅change en Afrique.
Les projections optimistes des avantages du libre-茅change en Afrique sont, en th茅orie, bas茅es sur des calculs 茅conomiques orthodoxes - une corr茅lation lin茅aire entre l'offre et la demande qui peut ne pas englober enti猫rement les externalit茅s telles que la disponibilit茅 de la capacit茅 de mise en 艙uvre des pays, les infrastructures requises, la coh茅rence des politiques, etc.
Le Forum 茅conomique mondial signale que la mise en 艙uvre compl猫te et efficace de la ZLECA est ce qui conduira 脿 ses effets transformateurs, ce qui signifie que ses avantages annonc茅s ne sont en aucun cas garantis.
Le secr茅taire g茅n茅ral de la ZLECA, Wamkele Mene, reconna卯t les 茅normes t芒ches qui l'attendent. "Nous devons nous retrousser les manches et travailler", a-t-il d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau lors d'un pr茅c茅dent entretien.
Pourtant, il y a beaucoup 脿 c茅l茅brer en ce qui concerne l'accord de libre-茅change. Le pacte consolide un march茅 de 1,2 milliard de personnes et un PIB combin茅 de 2,5 billions de dollars. Il repr茅senterait le plus grand bloc commercial du monde par le nombre de pays participants si tous les 脡tats membres de l'UA ratifiaient l'accord.
Si une trentaine de pays ont jusqu'脿 pr茅sent ratifi茅 l'accord, d'autres pays devraient suivre le mouvement lorsque le libre-茅change commencera et que ses avantages deviendront tangibles.
