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Au-del¨¤ d¡¯y mettre fin, nous devons nous attaquer aux racines des conflits en Afrique

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Au-del¨¤ d¡¯y mettre fin, nous devons nous attaquer aux racines des conflits en Afrique

¡ª Hanna Tetteh, Repr¨¦sentante Sp¨¦ciale du Secr¨¦taire-G¨¦n¨¦ral des Nations Unies aupr¨¨s de l'Union Africaine
Kingsley Ighobor
Afrique Renouveau: 
25 Juin 2020
Hanna Tetteh
¡ªHanna Tetteh, Repr¨¦sentante Sp¨¦ciale du Secr¨¦taire-G¨¦n¨¦ral des Nations Unies aupr¨¨s de l'Union Africaine

Hanna Tetteh?est le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral adjoint des Nations Unies et la repr¨¦sentante sp¨¦ciale du Secr¨¦taireg¨¦n¨¦ral aupr¨¨s de l'Union africaine. En tant que chef du Bureau des Nations Unies aupr¨¨s de l'Union africaine (UNOAU), Mme Tetteh s'est entretenue avec?Kingsley Ighobor d'Afrique Renouveau?sur, entre autres, l'¨¦tat actuel du partenariat ONU-UA et la mani¨¨re dont les femmes et les jeunes peuvent aider ¨¤ r¨¦soudre les conflits. Voici des extraits de l'entretien :

Comment se d¨¦roule le partenariat entre les Nations Unies et l'Union Africaine ??

Il existe actuellement trois partenariats entre l'ONU et l'UA : le Partenariat pour l'Int¨¦gration et le D¨¦veloppement de l'Afrique (PAIDA), le Partenariat pour la paix et la s¨¦curit¨¦, le programme pour le d¨¦veloppement durable en 2030 et le Programme 2063 de l'Union africaine. Un quatri¨¨me partenariat, sur les droits de l'homme, a ¨¦t¨¦ n¨¦goci¨¦ mais n'a pas encore ¨¦t¨¦ sign¨¦. Le partenariat qui est largement mis en ?uvre par l'UNOAU est celui sur la paix et la s¨¦curit¨¦, et il joue sur la force de l'UA parce qu'il a ¨¦t¨¦ plus fructueux jusqu'¨¤ pr¨¦sent en tant qu'organisation politique qu'en tant qu'organisation d'int¨¦gration ¨¦conomique. Nous effectuons des analyses communes et adoptons des positions communes, et nous avons r¨¦alis¨¦ des progr¨¨s.

Quels sont les d¨¦fis ou les opportunit¨¦s du partenariat ONU-UA ?

Avec chaque partenariat, vous n'allez pas vous entendre sur tous les points. Mais nous avons eu davantage de consensus que de d¨¦saccords. Nous avons travaill¨¦ en ¨¦troite collaboration avec l'IGAD (Autorit¨¦ intergouvernementale pour le d¨¦veloppement en Afrique de l'Est), pour aider ¨¤ r¨¦soudre le deuxi¨¨me cycle de conflit au Soudan du Sud. Cela a abouti ¨¤ la mise en place d'un nouveau gouvernement de transition cette ann¨¦e.?

L'ann¨¦e derni¨¨re, nous avons travaill¨¦ ensemble sur la R¨¦publique centrafricaine pour n¨¦gocier un nouvel accord de paix. Nous attendons avec impatience les ¨¦lections dans ce pays dans le courant de cette ann¨¦e, en supposant que la COVID-19 le permette. Nous soutenons l'AMISOM (Mission de l'Union Africaine en Somalie). La force de l'UA apporte un soutien militaire au processus de transition. L'UNSOM (la Mission d'Assistance des Nations Unies en Somalie) et l'AMISOM aident ¨¤ l'engagement politique et ¨¤ la logistique.??Nous avons ¨¦t¨¦ mis au d¨¦fi par le processus en Libye o¨´ l'UA voudrait ¨ºtre plus proactive dans la r¨¦solution du conflit. M¨ºme dans ce cas, nous avons fait des progr¨¨s significatifs ¨¤ la suite du sommet sur la paix qui s'est tenu ¨¤ Berlin en janvier 2020.?

Quel est l'impact de la COVID-19 sur la paix et la s¨¦curit¨¦ en Afrique ?

Les pays en conflit ont d¨¦j¨¤ des probl¨¨mes d'infrastructures et de ressources : installations de soins de sant¨¦ insuffisantes et faible nombre de personnel m¨¦dical, etc. Et puis la COVID-19 est arriv¨¦e ¨¤ nos portes. De plus, la plupart des pays africains, en conflit ou non, ont une ¨¦conomie informelle importante o¨´, si les gens ne travaillent pas dans une journ¨¦e, ils ne peuvent pas se nourrir. Ainsi, les fermetures ont mis ¨¤ rude ¨¦preuve la vie des gens, en particulier ceux du secteur informel. Dans les pays o¨´ des ¨¦lections sont imminentes, la pand¨¦mie constitue un d¨¦fi car le virus est transmis par contact humain, ce qui se produit lors des ¨¦v¨¦nements de campagne. Nous avons encore une quinzaine d'¨¦lections ¨¤ venir cette ann¨¦e, et des protocoles de sant¨¦ appropri¨¦s seront n¨¦cessaires pour prot¨¦ger les gens.?

Le plan de relance post-COVID-19 pourrait-il ¨ºtre une occasion pour l'Afrique de mieux reconstruire ??

Oui, mais cela d¨¦pendra des choix politiques des ?tats membres, ainsi que des ressources dont ils disposent. Quelques pays sont des pays ¨¤ revenu interm¨¦diaire - revenu interm¨¦diaire sup¨¦rieur ou revenu interm¨¦diaire inf¨¦rieur. Ces pays ont la r¨¦silience et les ressources n¨¦cessaires pour prendre des mesures de pr¨¦vention, de r¨¦action et de relance. Mais les PMA (pays les moins avanc¨¦s), dont les ¨¦conomies sont beaucoup plus fragiles, auront besoin de beaucoup de pr¨¦paration pour ¨¦laborer des r¨¦ponses politiques appropri¨¦es qui n'exigent pas un ¨¦norme d¨¦ploiement de ressources. La communaut¨¦ internationale du d¨¦veloppement peut aider ces pays ¨¤ mieux reconstruire.?

Les institutions panafricaines telles que l'UA ont-elles un r?le ¨¤ jouer pour reconstruire en mieux ?

Comme je l'ai mentionn¨¦, l'UA a ¨¦t¨¦ davantage une organisation politique qu'¨¦conomique. Mais son agence de d¨¦veloppement (l'Agence de D¨¦veloppement de l'Union Africaine (AUDA-NEPAD) et d'autres institutions panafricaines telles que la Banque africaine de d¨¦veloppement et, du c?t¨¦ des Nations Unies, la Commission ¨¦conomique pour l'Afrique, peuvent aider les pays ¨¤ ¨¦laborer des r¨¦ponses politiques.

Comment se d¨¦roule la campagne "Faire taire les armes en 2020" ?

La campagne " Faire taire les armes en 2020 " est le th¨¨me de l'UA pour cette ann¨¦e, c'est pourquoi elle suscite beaucoup d'attention. Mais la campagne a d¨¦but¨¦ en 2013, lors du 50e anniversaire de l'UA (anciennement l'Organisation de l'Unit¨¦ Africaine). L'id¨¦e ¨¦tait d'acc¨¦l¨¦rer les efforts pour mettre fin aux conflits par la m¨¦diation. Dans certains cas, comme au Sud-Soudan, des progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦s. Dans certains cas, comme pour le Sahel, nous n'avons pas accompli les progr¨¨s souhait¨¦s. Nous constatons ¨¦galement que les conflits s'¨¦tendent ¨¤ d'autres pays que le Mali-Niger et que le Burkina Faso est le plus vuln¨¦rable ces derniers temps. Je ne pense pas que nous puissions faire taire toutes les armes cette ann¨¦e en raison de tous les d¨¦fis, mais c'est une aspiration valable.

Que peut-on faire de plus pour faire taire les armes en Afrique ?

Il faut acc¨¦l¨¦rer les efforts de m¨¦diation. Il n'est pas facile de faire de la m¨¦diation dans la mani¨¨re dont nous avons cette conversation (par vid¨¦oconf¨¦rence). Lorsque vous voulez r¨¦unir les acteurs politiques et les communaut¨¦s, vous organisez des discussions en face ¨¤ face qui permettent aux gens de parvenir ¨¤ des accords, puis vous les soutenez pour mettre en ?uvre ces accords. La COVID-19 remet en question ce type de soutien et d'intervention.

Envisagez-vous une Afrique sans guerre ?

Il existe un espoir car les deux ou trois derni¨¨res d¨¦cennies ont ¨¦t¨¦ marqu¨¦es par des progr¨¨s politiques et une croissance ¨¦conomique consid¨¦rables, et plusieurs conflits ont pris fin. Mais nous devons regarder au-del¨¤ de la simple fin des conflits pour nous attaquer ¨¤ leurs causes profondes. Et les causes profondes des conflits r¨¦sident dans la mauvaise gouvernance qui cr¨¦e des in¨¦galit¨¦s et ne favorise pas la croissance et le d¨¦veloppement des populations. Il est important que nous r¨¦alisions que la paix n'est pas un ¨¦tat qui, une fois atteint, peut ¨ºtre consid¨¦r¨¦ comme acquis. M¨ºme les pays qui sont relativement stables ont besoin de conditions qui contribuent ¨¤ consolider et ¨¤ renforcer la paix et la stabilit¨¦ - bonne gouvernance, int¨¦gration, institutions fortes, ?tat de droit, etc.?

L'Afrique avance-t-elle dans la bonne direction, si l'on consid¨¨re qu'il y a plus de d¨¦mocraties aujourd'hui qu'il y a, disons, 20 ans ?

Le fait que nous ayons plus de d¨¦mocraties aujourd'hui qu'il y a 20 ans est un bon signe. Mais des ¨¦lections r¨¦guli¨¨res ne sont pas en soi synonymes de d¨¦mocratie. La d¨¦mocratie, c'est le respect des droits de l'homme, la bonne gouvernance, des institutions r¨¦actives avec lesquelles les gens peuvent interagir, y compris un cadre pour la protection de la stabilit¨¦ par l'ordre public, afin que les gens puissent vaquer ¨¤ leurs occupations quotidiennes et r¨¦aliser leurs r¨ºves et leurs aspirations. ?

Comment la COVID-19 affecte-t-elle les r¨¦fugi¨¦s, les migrants et les personnes d¨¦plac¨¦es en Afrique ?

Dans certains cas, la pand¨¦mie a aggrav¨¦ la situation. Comme le nombre de cas a augment¨¦ dans certains pays, la r¨¦ponse a consist¨¦ ¨¤ expulser les migrants en situation irr¨¦guli¨¨re. Et dans les camps de r¨¦fugi¨¦s, en particulier dans les zones en conflit ou sortant d'un conflit, il a ¨¦t¨¦ difficile d'emp¨ºcher la propagation de la COVID-19. L'OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) a exhort¨¦ les pays ¨¤ respecter les droits des r¨¦fugi¨¦s et ¨¤ fournir les installations n¨¦cessaires pour les prot¨¦ger de la maladie. L'OIM a ¨¦galement demand¨¦ l'arr¨ºt de l'expulsion des migrants en situation irr¨¦guli¨¨re ¨¤ l'heure actuelle de la COVID-19.?

Dans une perspective de paix et de s¨¦curit¨¦, quels sont les d¨¦fis qui peuvent entraver la mise en ?uvre r¨¦ussie de l'Accord de libre-¨¦change continental africain (ALEAC) ??

Le d¨¦fi pour l'ALEAC n'est pas tant la paix et la s¨¦curit¨¦ que la conclusion des n¨¦gociations sur les r¨¨gles d'origine. Il s'agit ¨¦galement de veiller ¨¤ ce que l'accord soit mis en ?uvre d'une mani¨¨re qui profite aux ¨¦conomies. Car, rappelons-le, l¡¯ALEAC est une exp¨¦rience tr¨¨s ambitieuse visant ¨¤ encourager le commerce entre les nations africaines. Certains pays peuvent perdre des recettes douani¨¨res, et ces pays doivent donc voir les avantages du libre-¨¦change.?

Que pensez-vous du r?le des femmes dans la paix et de la s¨¦curit¨¦ en Afrique ?

Malheureusement, les femmes ne sont pas suffisamment prises en compte, et il faut y rem¨¦dier. Pour instaurer une paix et une s¨¦curit¨¦ durables dans les pays ou les communaut¨¦s en conflit, il faut n¨¦gocier un accord de paix et un processus de r¨¦conciliation - qui implique les hommes et les femmes. Dans les cas o¨´ vous essayez de reconstruire des communaut¨¦s, il faut que la communaut¨¦ dans son ensemble participe pour que la paix soit consolid¨¦e. L'ONU a soutenu le projet de l'UA de d¨¦velopper une cohorte de m¨¦diatrices - FemWise Africa - qui sera d¨¦ploy¨¦e dans les pays afin de s'assurer que davantage de femmes et de jeunes gens participent aux processus de m¨¦diation et de consolidation de la paix.?

Les jeunes ont-ils un r?le ¨¤ jouer dans la pr¨¦vention, voire la r¨¦solution des conflits ?

Absolument. On ne peut pas construire la paix sans encourager les jeunes ¨¤ participer au processus de consolidation de la paix. Ce sont eux qui sont recrut¨¦s comme combattants irr¨¦guliers. Vous devez penser au d¨¦sarmement, ¨¤ la d¨¦mobilisation et ¨¤ la r¨¦int¨¦gration dans les communaut¨¦s. Vous vous assurerez qu'ils n'ont pas la motivation n¨¦cessaire pour faire partie d'organisations qui terrorisent les communaut¨¦s. Vous souhaitez qu'ils fassent partie de l'¨¦conomie productive.

Quel est votre message aux Africains en ces temps difficiles ?

Nous sommes un continent tr¨¨s fort et tr¨¨s r¨¦sistant. Nous avons d¨¦j¨¤ travers¨¦ des p¨¦riodes difficiles. Nous avons plus de d¨¦mocraties maintenant et nous avons aussi connu une croissance ¨¦conomique. Nous devons nous engager ¨¤ reconstruire nos pays et ¨¤ cr¨¦er une plateforme d'int¨¦gration inclusive. Nous sommes un continent compos¨¦ de multiples ethnies, et notre diversit¨¦ devrait ¨ºtre notre force. De la m¨ºme mani¨¨re que nous condamnons les actes de discrimination dans d'autres parties du monde, nous ne devrions pas faire de discrimination entre nous sur la base de l'ethnicit¨¦. C'est un aspect important pour promouvoir notre croissance et d¨¦veloppement et pour renforcer la paix.