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Un nouveau massacre, semblable 脿 celui qui a co没t茅 la vie 脿 des centaines de milliers de Rwandais il y a 10 ans de cela, serait-il en train de se produire ? Le 7 avril, alors que partout dans le monde des r茅unions marquaient le dixi猫me anniversaire de ce g茅nocide, un grand nombre des discours prononc茅s ont repris le refrain de "plus jamais 莽a." Mais on n'avait gu猫re la certitude qu'une horreur comparable pourrait d'ores et d茅j脿 锚tre pr茅venue.

"Face 脿 un nouveau Rwanda, les gouvernements auraient-ils aujourd'hui le pouvoir et la volont茅 d'intervenir de mani猫re efficace et opportune ?" a demand茅 le Secr茅taire g茅n茅ral de l'ONU, Kofi Annan, dans un message qui a 茅t茅 lu en son nom lors de la c茅r茅monie officielle qui s'est d茅roul茅e 脿 Kigali (Rwanda). "Nous n'en avons nullement la certitude."

Les massacres actuellement commis dans la r茅gion du Darfour, 脿 l'ouest du Soudan, constituent un d茅fi 脿 relever d'urgence (voir "Massacres et famine dans l'Ouest du Soudan") et le jour de l'anniversaire du g茅nocide rwandais, M. Annan a fait directement allusion devant la Commission des droits de l'homme 脿 Gen猫ve aux violations graves des droits de l'homme et 脿 la crise humanitaire croissante qui seraient en train de se produire au Darfour en affirmant que "la communaut茅 internationale ne saurait rester passive."

M. Annan a reconnu dans son discours que ni le Secr茅tariat de l'ONU, ni le Conseil de s茅curit茅, ni les gouvernements nationaux ni les m茅dias internationaux n'avaient 茅t茅 assez vigilants face aux signes avant-coureurs de la catastrophe qui a frapp茅 le Rwanda. Et alors m锚me que les signes se multipliaient, ils sont rest茅s inactifs.

C'est ainsi que 800 000 hommes, femmes et enfants environ ont 茅t茅 tu茅s au Rwanda en l'espace de 100 jours 脿 peine. La plupart des victimes appartenaient 脿 la minorit茅 tutsie, mais un grand nombre de Rwandais appartenant 脿 la majorit茅 hutue et qui s'opposaient aux politiques r茅pressives du gouvernement ont 茅galement 茅t茅 tu茅s. Ce n'est que lorsque les rebelles du Front patriotique rwandais se sont empar茅s du pouvoir 脿 Kigali que le g茅nocide a pris fin.

Les morts ne pouvant 锚tre ressuscit茅s, "le seul hommage digne" que l'ONU puisse rendre 脿 ceux qui ont p茅ri en 1994, a dit M. Annan dans le m锚me discours, est un plan d'action destin茅 脿 la pr茅vention des g茅nocides. Dans le cadre de ce plan portant sur cinq grands domaines il faudrait notamment:

Pr茅venir les conflits arm茅s: les g茅nocides se produisant presque toujours en p茅riode de guerre, les gouvernements et la communaut茅 internationale doivent s'attaquer aux causes profondes des conflits. Il s'agit notamment de la haine, du racisme, de la d茅shumanisation des minorit茅s, de la tyrannie, de la pauvret茅, de l'in茅galit茅, du ch么mage des jeunes et de la p茅nurie de ressources.

Assurer la protection des civils dans les conflits arm茅s: lorsque des conflits 茅clatent, l'une des priorit茅s absolues doit 锚tre de prot茅ger les civils. Tous les combattants, aussi bien les Etats que les acteurs non-茅tatiques, doivent assumer la responsabilit茅 qui leur incombe, en vertu du droit international, de prot茅ger les civils. Il faut donner aux missions de maintien de la paix les moyens d'intervenir lorsque des civils sont en danger.

Mettre fin 脿 l'impunit茅: il faut renforcer les syst猫mes judiciaires, 脿 tous les niveaux, pour veiller 脿 ce que les auteurs de g茅nocides ou d'autres actes de violence 脿 grande 茅chelle ne puissent 茅chapper aux poursuites.

Mettre en place un syst猫me d'alerte pr茅coce et claire: nous devons reconna卯tre rapidement les signes avant-coureurs d'un g茅nocide imminent ou potentiel.

Agir rapidement et r茅solument: les gouvernements nationaux, le Conseil de s茅curit茅 et les autres instances doivent faire preuve de la volont茅 politique n茅cessaire pour agir rapidement en cas de g茅nocide.

Privil茅gier les droits de l'homme

M. Annan a indiqu茅 que l'une des raisons de l'inertie constat茅e face au Rwanda tient au fait que "nous n'avions pas voulu accepter le fait que le risque de g茅nocide existait bien. Et une fois le g茅nocide enclench茅, nous avons trop tard茅 脿 le reconna卯tre en tant que tel et 脿 l'appeler par son nom."

Au cours d'une conf茅rence qui s'est tenue le 26 mars 脿 New York 脿 la m茅moire du g茅nocide, le Conseiller sp茅cial pour l'Afrique de l'ONU et Secr茅taire g茅n茅ral adjoint, Ibrahim Gambari, est revenu sur sa propre exp茅rience en tant qu'Ambassadeur du Nig茅ria en 1994 lors des d茅bats sur le Rwanda au Conseil de s茅curit茅. "Les repr茅sentants du Gouvernement am茅ricain n'ont pas permis l'emploi du terme de "g茅nocide" dans les d茅clarations publiques et en particulier durant les d茅lib茅rations du Conseil de s茅curit茅" a-t-il not茅. Selon M. Gambari, si l'on h茅sitait 脿 utiliser ce terme, c'茅tait parce que les principaux membres du Conseil craignaient que cela n'oblige芒t 脿 intervenir, comme le pr茅voit la Convention de l'ONU de 1948 pour la pr茅vention et la r茅pression du crime de g茅nocide.

Les pays africains doivent renforcer leurs institutions nationales ainsi que celles du continent afin d'emp锚cher le massacre de civils. "Nous devons apprendre 脿 nous prot茅ger les uns les autres" a d茅clar茅 le Pr茅sident du Rwanda, Paul Kagame, 脿 l'occasion de l'anniversaire du g茅nocide.

Tout en faisant valoir qu'il est important de reconna卯tre que le g茅nocide est quelque chose de bien r茅el, M. Annan a 茅galement tenu 脿 souligner que "nous ne devons pas nous laisser freiner par des querelles l茅galistes sur la question de savoir si telle ou telle atrocit茅 correspond 脿 la d茅finition du genocide. S'il faut attendre d'en 锚tre certain avant d'intervenir, il risque souvent d'锚tre trop tard." Il faut donc, pour pr茅venir les g茅nocides, prendre des mesures plus rapides et plus importantes afin de mettre fin aux violations massives des droits de l'homme.

M. Annan a annonc茅 la cr茅ation du poste de conseiller sp茅cial pour la pr茅vention des g茅nocides. Ce conseiller donnera l'alerte en pr茅sentant un compte-rendu au Conseil de s茅curit茅 et 脿 l'Assembl茅e g茅n茅rale ainsi qu'脿 la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Sa mission, a soulign茅 M. Annan "portera non seulement sur le g茅nocide mais aussi sur les massacres et les autres violations massives des droits de l'homme, comme le nettoyage ethnique."

M. Annan a ajout茅 que les groupes de la soci茅t茅 civile peuvent aussi jouer un r么le crucial. "Souvent ils sont les premiers 脿 donner l'alerte face 脿 une catastrophe imminente."

La Commission des droits de l'homme, a-t-il not茅, a une responsabilit茅 particuli猫re car elle a un m茅canisme de rapporteurs sp茅ciaux, d'experts ind茅pendants et de groupes de travail qui peuvent enqu锚ter sur les violations graves afin d'attirer l'attention du public sur ces violations. Plusieurs rapports r茅cents 茅tablis par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme ont mis fortement en garde contre des attaques dirig茅es contre des groupes ethniques et religieux, notamment au Soudan et en C么te d'Ivoire.

Du Darfour 脿 Abidjan

Le rapport consacr茅 au Soudan et publi茅 au d茅but du mois de mai a not茅 l'ampleur alarmante de la crise dans la r茅gion du Darfour o霉 de nombreux civils ont 茅t茅 assassin茅s et de nombreux villages incendi茅s. Les enqu锚teurs ont conclu que "la r茅ponse du Gouvernement 脿 une r茅bellion qui semblait d'origine ethnique a rev锚tu un caract猫re ethnique." Ils ont 茅galement affirm茅 qu'"on assiste au Darfour 脿 une 茅volution inqui茅tante de la situation caract茅ris茅e par un m茅pris des principes de base des droits de l'homme et du droit humanitaire de la part aussi bien des forces arm茅es du Soudan que de leurs milices."

En mai, le Haut Commissaire aux droits de l'homme a 茅galement publi茅 le rapport d'une commission sp茅ciale d'enqu锚te d茅p锚ch茅e en C么te d'Ivoire pour enqu锚ter sur la r茅pression brutale d'une manifestation antigouvernementale le 25 mars 脿 Abidjan, la plus grande ville du pays. Cette marche avait 茅t茅 d茅cr茅t茅e par les partis d'opposition afin d'exiger du gouvernement qu'il mette pleinement en oeuvre les accords de paix devant mettre fin 脿 la guerre civile qui a commenc茅 en septembre 2002.

Les manifestants n'茅taient pas arm茅s mais ils ont 茅t茅 presque imm茅diatement pris 脿 partie par la police, par les troupes et les milices irr茅guli猫res loyales au Pr茅sident Laurent Gbagbo. Ce jour-l脿 et le lendemain, ces forces se sont d茅ploy茅es 脿 travers les quartiers pauvres d'Abidjan o霉 vivent surtout les membres de groupes ethniques du nord, en majorit茅 musulmans, ou les immigr茅s du Burkina Faso, du Mali et d'autres pays voisins. La commission a conclu qu'il y avait eu au moins 120 morts et peut-锚tre bien davantage.

"Les 25 et 26 mars, a d茅clar茅 la commission, on a syst茅matiquement ex茅cut茅 des civils innocents et commis des violations massives des droits de l'homme. La marche a constitu茅 un pr茅texte pour ce qui s'est r茅v茅l茅 锚tre un plan minutieusement pr茅par茅 et ex茅cut茅 par les forces de s茅curit茅, les unit茅s sp茅ciales et les forces dites parall猫les sous la direction et la responsabilit茅 des plus hautes autorit茅s de l'Etat."

Notant la fr茅quence avec laquelle les tensions ethniques graves et les violations flagrantes des droits de l'homme se produisent 脿 travers le continent, de nombreux commentateurs africains ont fait valoir que des massacres 脿 grande 茅chelle pourraient fort bien se produire dans leurs propres pays. En Ouganda, 脿 l'issue d'une r茅union consacr茅e 脿 la pri猫re pour les victimes du g茅nocide rwandais, le Ministre du logement, Francis Babu, a d茅clar茅 脿 des reporters que certains hommes politiques ougandais ayant tendance 脿 diviser la population "selon des lignes de partage tribales" des "massacres semblables 脿 ceux qui se sont produits au Rwanda" n'茅taient pas 脿 exclure. Le quotidien ghan茅en Ghanaian Chronicle, notant les massacres ethniques qui avaient 茅t茅 commis dans le nord du Ghana, a pos茅 dans son titre de manchette la question, "Le Rwanda 10 ans apr猫s: la m锚me chose pourrait-elle se produire au Ghana?"

Mettre fin 脿 l'impunit茅

Apr猫s avoir d茅battu du rapport consacr茅 脿 la C么te d'Ivoire, le Conseil de s茅curit茅 a non seulement condamn茅 les violations des droits de l'homme dans le pays, mais 茅galement appel茅 脿 "mettre fin 脿 l'impunit茅". Le Conseil de s茅curit茅 s'est f茅licit茅 de la d茅cision de la commission d'enqu锚ter sur toutes les violations des droits de l'homme en C么te d'Ivoire depuis le d茅but de la guerre.

Dans le discours qu'il a prononc茅 脿 Gen猫ve, M. Annan a soulign茅 l'importance de l'obligation redditionnelle: "Nous ne pouvons gu猫re esp茅rer pr茅venir les g茅nocides ni rassurer ceux qui vivent dans la crainte d'en 锚tre 脿 nouveau victimes si les auteurs de ce crime particuli猫rement odieux sont laiss茅s en libert茅 et ne sont pas traduits en justice. Il importe donc au plus haut point que nous mettions en place des syst猫mes judiciaires solides, au niveau national comme au niveau international et que nous les pr茅servions, pour que peu 脿 peu les gens s'aper莽oivent qu'il n'y a pas d'impunit茅 pour ce genre de crimes."

Avec la mise en place du Tribunal p茅nal international pour le Rwanda (TPIR) la communaut茅 internationale a pris l'une des premi猫res mesures en ce sens en Afrique. Un tribunal sp茅cial a ensuite 茅t茅 茅tabli en Sierra Leone et, le 3 juin, il a commenc茅 脿 juger les personnes accus茅es de crimes contre l'humanit茅 commis durant la guerre civile qu'a connue le pays.

Les procureurs du TPIR ont choisi quelque 200 affaires concernant certains des principaux organisateurs du g茅nocide rwandais. Ces affaires seront instruites et d茅boucheront peut-锚tre sur des poursuites. Depuis 1997, ann茅e o霉 les premiers proc猫s ont commenc茅 脿 Arusha (Tanzanie), le TPIR a jug茅 une vingtaine d'accus茅s et un nombre analogue d'accus茅s passent actuellement en jugement. Le Tribunal esp猫re finir d'instruire toutes les affaires dont il est saisi avant la fin de cette ann茅e et en finir avec tous les proc猫s en 2008 au plus tard.

Le TPIR a 茅t茅 le premier tribunal au monde 脿 tenir un ancien chef de gouvernement pour responsable de g茅nocide. Il a 茅t茅 le premier tribunal 脿 茅tablir que le viol constituait un acte de genocide et le premier tribunal 脿 juger que les journalistes qui incitaient la population au g茅nocide 茅taient eux-m锚mes coupables de ce crime.

Le TPIR consid猫re que ses efforts compl猫tent ceux des tribunaux rwandais, y compris ceux des tribunaux communautaires novateurs connus sous le nom de gacacas. Depuis les premiers proc猫s, organis茅s en 2002, des centaines de gacacas ont 茅t茅 茅tablis. Chacun d'entre eux a 脿 sa t锚te des juges 茅lus par les collectivit茅s locales l脿 o霉 des massacres ont 茅t茅 commis. En moins de deux ans les gacacas ont jug茅 plus de 7 000 personnes.

Lorsque les appareils judiciaires nationaux ne sont pas en mesure de le faire, la Cour p茅nale internationale (CPI), qui vient d'锚tre cr茅茅e, pourra aussi juger les crimes contre l'humanit茅, a indiqu茅 M. Annan. La CPI n'茅tant comp茅tente que pour les crimes perp茅tr茅s apr猫s le 1er juillet 2002, elle s'est jusqu'脿 pr茅sent surtout pr茅occup茅e de mettre en place ses structures et aucune affaire n'a encore 茅t茅 plaid茅e.

Toutefois, 脿 la fin du mois de janvier 2004, le procureur de la CPI, M. Luis Moreno-Ocampo, a annonc茅 que la Cour allait instruire sa premi猫re affaire et ce, en Afrique. Elle se penchera sur les atrocit茅s commises par le mouvement rebelle de l'Arm茅e de r茅sistance du Seigneur (LRA) dans le nord de l'Ouganda. L'insurrection men茅e par la LRA et les campagnes militaires men茅es par le gouvernement afin de la r茅primer ont fait plus de 100 000 victimes depuis la fin des ann茅es 80 et d茅plac茅 1,6 million de personnes environ. Les combattants de la LRA sont tristement c茅l猫bres pour la mani猫re dont ils pers茅cutent les villageois, pour les viols qu'ils commettent et pour les quelque 20 000 enfants qu'ils ont enlev茅s. En f茅vrier, M. Moreno-Ocampo a 茅voqu茅 le massacre par la LRA de plus de 200 personnes d茅plac茅es dans un camp au nord de l'Ouganda -- selon lui, une raison de plus pour enqu锚ter sur les crimes commis par ce groupe.

Selon les partisans de la CPI, du tribunal pour le Rwanda et d'autres institutions judiciaires analogues, ces tribunaux, en punissant les auteurs d'atrocit茅s, pourront peut-锚tre faire changer d'avis ceux qui envisageraient d'organiser des massacres.

La volont茅 politique

L'am茅lioration des m茅canismes d'alerte rapide et la suppression de l'impunit茅 sont des mesures importantes si l'on veut barrer la route aux g茅nocides. Toutefois, comme l'a rappel茅 M. Gambari, lors de la conf茅rence qui s'est tenue pour comm茅morer le g茅nocide rwandais, "Il faut avant tout une volont茅 politique d'agir rapidement et r茅solument." Au Rwanda, cette volont茅 a fait d茅faut.

Le G茅n茅ral Rom茅o Dallaire, qui 茅tait 脿 la t锚te de la petite mission de maintien de la paix de l'ONU au Rwanda au moment du g茅nocide, a indiqu茅 lors de cette m锚me conf茅rence que la communaut茅 internationale avait montr茅 fort peu d'empressement 脿 intervenir en Afrique. La force de l'ONU, a-t-il not茅, 茅tait une mission sans budget ni structure alors que "dans le m锚me temps des centaines de millions de dollars 茅taient d茅vers茅s en Yougoslavie." Certains 锚tres humains, a-t-il demand茅, "le sont-ils plus que d'autres?"

R茅cemment, les grandes puissances se sont montr茅es plus dispos茅es 脿 appuyer de nouvelles missions de maintien de la paix en Afrique. Sept missions de l'ONU, autoris茅es par le Conseil de s茅curit茅, sont actuellement en place -- au Burundi, en C么te d'Ivoire, en R茅publique d茅mocratique du Congo, en Ethiopie-Erythr茅e, au Lib茅ria, en Sierra Leone et au Sahara occidental. Une autre mission est pr茅vue dans le sud du Soudan.

Certains gouvernements du Nord ont 茅galement engag茅 des initiatives personnelles. En 2003, une force europ茅enne multinationale de 1 200 hommes sous la houlette de la France a 茅t茅 envoy茅e dans la r茅gion d'Ituri en R茅publique d茅mocratique du Congo alors que les massacres se g茅n茅ralisaient entre les groupes ethniques Lendu et Hema. Selon MM. Gareth Evans et Stephen Ellis, qui sont respectivement le pr茅sident et le directeur du programme africain de l'International Crisis Group, un groupe d'experts qui a son si猫ge 脿 Bruxelles, il est pratiquement certain que cette intervention, surnomm茅e Op茅ration Art茅mis, "a permis d'茅viter un g茅nocide en Ituri".

En septembre 2003, l'Op茅ration Art茅mis a officiellement c茅d茅 son pouvoir en mati猫re de maintien de la paix en Ituri 脿 la mission de l'ONU, la MONUC. M. Annan a cit茅 l'oeuvre de la mission en Ituri en exemple des mandats plus robustes qui sous-tendent d茅sormais les op茅rations de maintien de la paix, autoris茅es non seulement 脿 se d茅fendre lorsqu'on les attaque mais aussi 脿 prot茅ger les civils expos茅s 脿 un risque imminent de violence. L'Ituri, a-t-il indiqu茅, est une r茅gion "o霉 les conflits ethniques pourraient manifestement aller jusqu'au g茅nocide, mais 脿 pr茅sent les forces de maintien de la paix des Nations Unies "tiennent les milices locales en 茅chec."

"La responsabilit茅 de prot茅ger"

Afin de susciter un plus grand int茅r锚t de la part de la communaut茅 internationale un rapport intitul茅 "La responsabilit茅 de prot茅ger" a 茅t茅 茅tabli et un panel organis茅 au si猫ge de l'ONU 脿 l'occasion du dixi猫me anniversaire du g茅nocide rwandais s'en est fait largement l'茅cho. Ce rapport a 茅t茅 initialement publi茅 en 2001 par la Commission internationale de l'intervention et de la souverainet茅 des Etats mise sur pied par le Canada et co-pr茅sid茅e par M. Gareth Evans, ancien Ministre des affaires 茅trang猫res de l'Australie et par M. Mohamed Sahnoun, ancien diplomate alg茅rien.

Selon les membres de la commission, a expliqu茅 M. Sahnoun au panel, lorsque les Etats ne veulent pas ou ne peuvent pas prot茅ger leur population, la communaut茅 internationale a "l'obligation morale" de prot茅ger les civils en danger. "Si l'on intervient pour prot茅ger des 锚tres humains, cela se justifie" a-t-il indiqu茅 mais il faut avant tout privil茅gier les mesures pr茅ventives et n'adopter des mesures coercitives que lorsque les mesures de pr茅vention restent sans effet.

Intervenant dans le cadre du m锚me panel, M. Lloyd Axworthy, l'ancien Ministre des affaires 茅trang猫res du Canada qui exerce actuellement les fonctions d'envoy茅 sp茅cial de l'ONU pour le litige frontalier opposant l'Ethiopie 脿 l'Erythr茅e a not茅 que certains pays en d茅veloppement ont manifest茅 leur inqui茅tude face aux notions "d'intervention humanitaire" ou de "responsabilit茅 de prot茅ger" qu'ils consid猫rent comme des moyens de justifier la poursuite des int茅r锚ts des pays du Nord. La guerre en Iraq "a intensifi茅 ces appr茅hensions" a constat茅 M. Axworthy.

M. Sahnoun a, pour sa part, fait valoir que seule une "instance universellement reconnue" devrait cautionner une intervention internationale destin茅e 脿 prot茅ger les civils. Si le Conseil de s茅curit茅 veut assumer ce r么le il devra subir des r茅formes structurelles et notamment augmenter le nombre de ses membres afin d'锚tre plus repr茅sentatif.

Initiative africaine

Plusieurs commentateurs africains soutiennent que l'Afrique dispose elle-m锚me de bien des moyens de pr茅venir les g茅nocides. "Nous, les Africains, devons prendre des mesures concr猫tes tout en attendant que l'on nous vienne en aide" a d茅clar茅 dans le cadre du panel de New York, le G茅n茅ral Henry Kwami Anyidoho, commandant adjoint de la mission de maintien de la paix de l'ONU au Rwanda en 1994.

Au cours d'une grande c茅r茅monie organis茅e 脿 Kigali dans le stade Amahoro afin de marquer le dixi猫me anniversaire du g茅nocide, le Pr茅sident du Rwanda, Paul Kagame, a exhort茅 les pays d'Afrique 脿 renforcer leurs propres institutions nationales et 脿 unir leurs efforts afin d'emp锚cher des massacres comparables 脿 ceux du Rwanda, "pour que nous n'ayons pas 脿 d茅pendre de forces externes. Nous devons apprendre 脿 nous prot茅ger les uns les autres car personne ne nous doit rien."

Prenant la parole au si猫ge de l'Union africaine (UA) 脿 Addis-Abeba (Ethiopie) 脿 l'occasion d'une r茅union 脿 la m茅moire des victimes du g茅nocide, le Pr茅sident 茅thiopien, Girma Wolde-Giorgis, a indiqu茅 que les efforts d茅ploy茅s par la communaut茅 internationale afin d'茅viter les conflits en Afrique 茅tant tr猫s insuffisants, les Africains devraient renforcer les m茅canismes de pr茅vention des conflits de l'UA.

D'autres ont soulign茅 la n茅cessit茅 de pousser plus loin les r茅formes politiques au sein m锚me des pays d'Afrique afin d'茅viter les conflits pouvant favoriser les actes de g茅nocide. "Si nous n'茅tions pas afflig茅s de dirigeants avides, corrompus et despotiques qui choisissent de s'accrocher au pouvoir 脿 tout prix, a fait valoir un chroniqueur dans le journal zimbabw茅en Financial Gazette, la plupart des conflits qui font rage en Afrique ne se produiraient m锚me pas".

M. Emmanuel Dongola, romancier qu'une guerre civile a forc茅 脿 fuir la R茅publique du Congo dans les ann茅es 90, a recommand茅 d'么ter aux hommes politiques les moyens de manipuler les identit茅s ethniques. "Il faut reconstruire les Etats en tenant compte des diff茅rents groupes ethniques afin qu'aucun groupe ne se sente tenu 脿 l'茅cart" a-t-il 茅crit dans le New York Times la veille de l'anniversaire du g茅nocide au Rwanda.

"En changeant l'Etat dans ce sens, a poursuivi M. Dongola, on renforcera la s茅curit茅 de tous les citoyens. C'est cette s茅curit茅, plus qu'un mus茅e ou que des discours comm茅moratifs qui constituera le plus grand hommage que nous puissions rendre aux victimes du g茅nocide rwandais."