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Du plomb dans l’aile

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Du plomb dans l’aile

Le transport aérien doit être réformé pour réaliser tout son potentiel
Masimba Tafirenyika
Afrique Renouveau: 
Photo: Arne Hoel/Banque Mondiale
Un avion de la compagnie aujourd’hui disparue Ghana Airways.  Photo: Arne Hoel/Banque Mondiale
Les leaders africains font face à de sérieux défis en matière de développement, restauration et maintenance de l’infrastructure à l’échelle continentale que ce soit pour les transports, l’énergie, l’eau et les technologies de l’information et de la communication. Le gouffre financier persiste, malgré d’importantes contributions de la part de gouvernements et du secteur privé pour la construction d’une infrastructure fiable.

Jusqu’à récemment, il n’était pas rare pour les passagers voyageant entre deux villes d’Afrique de devoir faire escale en Europe. De Côte d’Ivoire en Éthiopie, il était plus rapide et économique de transiter par Paris. La tendance persiste certes, mais à une échelle plus réduite.

Néanmoins, des bilans médiocres en matière de sécurité, imputables à des normes insuffisantes, une surveillance inexistante et des avions anciens et mal entretenus, continuent de nuire au développement de l’industrie de l’aviation. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), les aéroports sont mal entretenus et proposent des services médiocres et chers. Les interférences politiques et la mauvaise gestion font obstacle au bon usage des ressources.

Selon une étude* menée par un consortium d’organisations dirigé par la Banque mondiale, les infrastructures « ne constituent pas un problème grave ». L’étude note que le nombre d’aéroports est adapté et que les pistes sont suffisantes pour absorber le trafic. Elle souligne que les progrès en matière de contrôle du trafic aérien demeurent très insuffisants.

La mauvaise qualité des infrastructures accroît les coûts d’exploitation déjà exorbitants. Selon l’IATA, les aéroports sont souvent monopolisés par des fournisseurs pratiquant des tarifs excessifs, auxquels viennent s’ajouter d’autres taxes gouvernementales. Le Sénégal a par exemple augmenté ses redevances d’atterrissage de 13 % en 2012, en plus d’une taxe de développement aéroportuaire d’environ 68 dollars par passager – la plus élevée d’Afrique. Les critiques affirment que certains pays d’Afrique font preuve de peu de transparence en matière d’utilisation des revenus aéroportuaires, et plusieurs autres pays imposent des taxes de développement pouvant atteindre 50 dollars par passager.

Exode des cerveaux et pénurie croissante de personnel

Les coûts d’exploitation des aéroports ne sont pas seuls en cause, les taxes sur les carburants étant aussi élevées que les redevances de décollage et d’atterrissage. Le prix du carburant en Afrique est supérieur de 21 % à la moyenne mondiale.

Le prix du billet d’avion au kilomètre est le plus cher au monde, la faute au niveau des taxes, mais également à l’absence de concurrence et aux volumes de trafic aérien relativement réduits sur de nombreux itinéraires.

À cause de leurs bilans sécuritaires médiocres, les compagnies africaines se voient souvent appliquer des tarifs de location plus élevés que d’autres transporteurs. Selon The Economist, la location d’un Boeing 737 fabriqué il y a cinq ans coûte environ 180 000 dollars par mois à une compagnie aérienne européenne, tandis que la facture peut atteindre 400 000 dollars pour un transporteur nigérian.

L’Afrique manque aussi de personnel qualifié. Ce qu’aggrave l’exode des pilotes et des techniciens qui rejoignent d’autres compagnies. L’Afrique aura besoin de 14 500 nouveaux pilotes et de 16 200 techniciens d’ici 2031.

« Les compagnies aériennes africaines doivent relever le niveau et accroître les enveloppes de rémunération pour retenir les pilotes, les ingénieurs, le personnel navigant et les équipes dirigeantes », affirme Mike Higgins, vice-président de l’IATA pour l’Afrique. Pour faire face, Ethiopian Airlines a augmenté le nombre d’admissions annuelles à l’Académie d’aviation éthiopienne d’Addis-Abeba de 200 à 1 000 élèves.

Malgré ces problèmes, l’industrie aéronautique africaine commence à décoller grâce au moteur de la croissance économique. « Le potentiel le plus élevé en matière d’aviation se trouve sur le continent africain », a indiqué Tony Tyler, directeur de l’IATA, aux participants de la réunion annuelle du groupe organisée l’an dernier dans la ville du Cap, en Afrique du Sud. Selon le rapport supervisé par la Banque mondiale, l’industrie de l’aviation emploie quelque 6,7 millions de personnes en Afrique et génère une activité économique de 67,8 milliards de dollars.

Classe moyenne en expansion

D’ici 2030, plus de la moitié de la population d’Afrique sera urbaine. Environ 700 millions de personnes rejoindront la classe moyenne au cours des décennies à venir. Cette expansion produira de nouveaux clients qui trouveront plus pratique et abordable de prendre l’avion plutôt que d’utiliser d’autres moyens de transport. Une concurrence accrue entre les compagnies à bas prix et une augmentation du trafic devraient également se traduire par une baisse du prix des billets.

Les compagnies aériennes établies enregistrent des bénéfices et ajoutent de nouvelles destinations à leur offre, avec Kenyan Airlines, Royal Air Maroc, South African Airlines, Ethiopian Airlines et EgyptAir en tête de peloton. Ethiopian Airlines, le transporteur à la croissance la plus rapide d’Afrique, dépasse systématiquement ses objectifs de profit. En août 2012, cette compagnie aérienne d’État gérée par une société privée est devenue le deuxième transporteur, après le Japon, à exploiter le Boeing 787 Dreamliner, l’un des avions de passagers les plus modernes du marché. La compagnie a pu acquérir dix nouveaux 787 grâce à une garantie de prêt d’un milliard de dollars concédée par l’Export-Import Bank, un organisme américain de crédit à l’exportation.Ìý

L’Afrique du Sud, la première économie du continent, possède le réseau d’infrastructures de transport aérien et le marché de l’aviation les plus développés de la région. Les trois grands aéroports – Johannesburg, Le Cap et Durban – ont été modernisés avant la Coupe du monde de 2010, et la compagnie aérienne nationale South African Airways, la plus importante d’Afrique, propose des vols à destination de plus de 50 villes du continent.

Pour réaliser tout le potentiel du secteur, les gouvernements africains ont adopté une Politique africaine de l’aviation civile commune. L’objectif de cette initiative est d’établir un système de transport intégré reliant les aéroports à d’autres réseaux de transport afin de permettre un déplacement fluide des passagers et du fret et d’éviter les correspondances européennes entre deux villes du continent. Ìý

Ports d’Afrique : modernisation ou naufrage

Le transport maritime est indispensable au développement de l’Afrique. Mais les progrès réalisés en matière d’infrastructures et d’administration des ports au cours des dix dernières années restent limités. Une étude de la Banque mondiale* livre un constat peu optimiste : bien certains ports soient en mesure d’absorber l’augmentation du trafic consécutive à l’expansion du commerce des produits de base, peu ont atteint le niveau d’excellence requis.

Selon cette étude, aucun des cinq centres de transbordement principaux d’Afrique (Abidjan, Dar es-Salaam, Djibouti, Durban et Mombasa) n’est considéré comme un pôle important sur les grandes routes internationales. Plusieurs ports présentent des capacités insuffisantes en stockage et de maintenance des terminaux. Le Ghana, le Kenya, la Namibie, le Nigéria et l’Afrique du Sud comptent parmi les rares pays africains à afficher des progrès en matière de développement des ports.

Outre leurs limites, l’obsolescence des infrastructures ainsi que les barrières administratives posent problème. Le temps de présence dans les ports est également préoccupant. Un rapport de la Banque mondiale estime qu’à l’exception de Durban, les marchandises restent 20 jours en moyenne dans les ports africains, contre trois à quatre jours dans la plupart des autres ports internationaux. Les équipements de mauvaise qualité, les opérations inefficaces, les normes de sécurité insuffisantes et les droits de port significativement supérieurs pour les conteneurs et les marchandises diverses constituent des points faibles supplémentaires.

Intégration des liaisons routières et ferroviaires

Le transport maritime africain souffre de l’absence de réseaux ferroviaires et routiers intégrés vers les ports. The Economist note que le transport d’une voiture de Chine jusqu’en Tanzanie coûte 4 000 dollars, mais qu’il faut débourser 5 000 dollars de plus pour acheminer la même voiture de Tanzanie en Ouganda voisin. « Il est presque trois fois plus cher de transporter un conteneur de Chine en Éthiopie que de Chine au Brésil », estime Liu Jiang, directeur général de Lifan, un constructeur automobile chinois. Le transport maritime de marchandises vers l’Afrique est globalement peu cher, ce sont les coûts de transport intérieur qui sont élevés.

Faute de liaisons intégrées, le transport conteneurisé en direction de l’intérieur du continent reste limité, en particulier dans les pays enclavés. Malgré tout, la Banque mondiale estime que le transport de conteneurs se développe en Afrique subsaharienne.

Le port le plus actif d’Afrique

Dans leur grande majorité, les ports africains sont gérés par les gouvernements, qui détiennent et exploitent les infrastructures. Certains pays tels que le Ghana et le Nigéria ont néanmoins opté pour un modèle de gestion privée, dans lequel les gouvernements détiennent et entretiennent les infrastructures portuaires, tandis que la gestion du fret est confiée au privé. Mais le niveau des ports varie au sein de la région.

L’Afrique aura besoin d’énormes investissements pour développer de nouvelles infrastructures et améliorer et entretenir les installations. La Banque mondiale calcule que la région a besoin d’environ 93 milliards de dollars par an, soit approximativement 15 % de son produit intérieur brut. Les investissements actuels s’élèvent à 45 milliards par an, dont la moitié provient des gouvernements, ce qui représente un déficit de financement de 48 milliards. Sans infrastructures de transport fiables, l’Afrique aura du mal à réaliser pleinement son potentiel économique.

*Infrastructures africaines : Une transformation impérative, rapport de la Banque mondiale, Publications de la Banque mondiale, Washington DC, 2009.