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Un rassemblement au Cap-Vert avec les portraits d'Amilcar Cabral et d'Aristides Pereira, dirigeants de la lutte de lib茅ration men茅e contre le colonialisme portugais en Guin茅e- Bissau et au Cap-Verte.

Photo: Photo ONU / Yutaka Nagata

鈥淟e vent du changement souffle sur tout le continent. Que cela nous plaise ou non, cette prise de conscience nationale est un fait poli颅tique que nous devons accepter comme tel et notre politique nationale doit en tenir compte.鈥� En f茅vrier 1960, lorsque le Premier ministre britannique Harold Macmillan s'exprime devant le parlement sud-africain, alors exclusivement compos茅 d'茅lus blancs, il ignore que son discours passera 脿 l'histoire, notamment pour son caract猫re proph茅tique. Au cours de l'ann茅e 1960, 17 pays africains vont acc茅der 脿 l'ind茅pendance, bient么t suivis de nombreux autres.

Le propos de M. Macmillan vise alors 脿 assurer les dirigeants de la minorit茅 blanche d'Afrique du Sud qu'ils continuent 脿 faire partie du monde occidental o霉 la d茅mocratie est la norme en d茅pit de l'adoption, une dizaine d'ann茅es auparavant, du syst猫me d'apartheid. Le massacre de Sharpeville, lors duquel 69 manifestants pacifistes noirs sont tu茅s par la police sud-africaine, quelques semaines apr猫s les remarques de M. Macmillan, va brutalement rappeler que l'accession au pouvoir de la majorit茅 noire dans les pays africains o霉 s'茅taient install茅s des populations de colons europ茅ens n'allait 锚tre ni rapide, ni se faire 脿 l'amiable.

Les 茅v茅nements de 1960 vont avoir de profondes cons茅quences : ils vont rassembler les nouveaux 脡tats ind茅pendants autour de l'objectif de l'auto-d茅termination et fournir 脿 leur politique ext茅rieure une dimension morale et une orientation politique.

Lorsque prend fin la longue campagne contre l'apartheid et le colonialisme en 1994, les luttes africaines ont acquis une dimension mondiale. Elles ont suscit茅 la sympathie de millions de gens 脿 travers le monde, isol茅 et discr茅dit茅 les r茅gimes des minorit茅s blanches et mobilis茅 un soutien politique et diplomatique consid茅rable, par le biais des Nations Unies et d'autres organisations internationales.

Ghana, premi猫re 'zone lib茅r茅e'

Pour les pionniers du nationalisme africain, le soutien 脿 la d茅colonisation totale du continent est 脿 la fois un imp茅ratif moral et une n茅cessit茅 pratique. En 1945, le cinqui猫me Congr猫s panafricain organis茅 脿 Manchester en Angleterre et auquel participent les futurs pr茅sident du Ghana, du Kenya et du Malawi ainsi que des intellectuels et des militants de toute la diaspora africaine, demande la fin imm茅diate du colonialisme.

Mais c'est l'ind茅pendance du Ghana, obtenue en 1957 sous la direction de Kwame Nkrumah, qui marque le d茅but de la campagne de d茅colonisation. Le jour m锚me de l'ind茅pendance de son pays, Nkrumah, militant panafricain r茅put茅, s'engage 脿 soutenir les autres mouvements anticoloniaux : "Notre ind茅pendance n'a pas de sens si elle n'est pas li茅e 脿 la lib茅ration totale du continent africain," d茅clare-t-il alors.

"Le Ghana a inspir茅 et d茅lib茅r茅ment jou茅 le r么le de fer de lance de la lutte pour l'ind茅pendance dans le reste de l'Afrique", relevait le Tanzanien Julius Nyerere en 1997 lors des c茅l茅brations des 40 ans d'ind茅pendance du pays. Th茅oricien de l'anticolonialisme, Nyerere a men茅 son pays 脿 l'ind茅pendance en 1961.

En 1958, le Ghana accueille une r茅union des pays africains ind茅pendants parmi lesquels on compte l'脡thiopie, le Maroc, l'脡gypte et le Soudan. Vient ensuite une conf茅rence des mouvements anticoloniaux du continent. Ces manifestations vont aider 脿 poser les fondations de l'Organisation de l'unit茅 africaine (OUA) et de son comit茅 de lib茅ration, cr茅茅s cinq ans plus tard.

Les 茅lections 脿 l'Assembl茅e constituante de Namibie en novembre 1989. L'Afrique du Sud-ouest, territoire sous mandat de l'ONU, se lib猫re de la tutelle sud-africaine et acc猫de 脿 l'ind茅pendance l'ann茅e suivante.

Photo: Photo ONU / Milton Grant

L鈥橝frique en guerre

Quand na卯t l'OUA, le 25 mai 1963, 32 pays africains sont ind茅pendants et le principe de l'auto-d茅termination ainsi que du gouvernement de la majorit茅 sont inscrits dans la charte de l'organisation. Ses membres s'engagent 脿 艙uvrer 脿 "l'茅limination de toutes les formes de colonialisme en Afrique."

Pour la plupart des colonies encore existantes, l'ind茅pendance sera obtenue par voie de n茅gociations. Ce ne sera cependant pas le cas pour deux cat茅gories de pays : les colonies portugaises (Guin茅e-Bissau, Cap-Vert, Sao Tom茅- et- Principe, Angola et Mozambique); et les territoires autonomes domin茅s par des minorit茅s blanches (Rhod茅sie, colonie britannique dissidente ; l'Afrique du Sud ; et la Namibie, territoire sous tutelle de l'ONU contr么l茅 par l'Afrique du Sud). Dans la plupart de ces pays, les mouvements ind茅pendantistes devront se r茅soudre 脿 prendre les armes.

Le soutien de l'Afrique aux luttes arm茅es commence bien avant la fondation de l'OUA. Amilcar Cabral, le chef du mouvement de lib茅ration du Cap-Vert et de Guin茅e-Bissau, lance sa d茅claration de guerre contre le Portugal en 1961 depuis Conakry, capitale de la Guin茅e ind茅pendante. Alors que les combats vont prendre de l'ampleur et que la concurrence entre les superpuissances pour obtenir influence et alli茅s en Afrique va s'intensifier, le soutien de l'OUA aux insurg茅s va constituer un facteur crucial. Les groupes arm茅s vont 脿 leur tour recevoir une aide vitale de l'Afrique ind茅pendante par l'interm茅diaire du Comit茅 de coordination pour la lib茅ration de l'Afrique de l'OUA.

Install茅 脿 Dar es Salaam en Tanzanie, le comit茅 de lib茅ration devient le principal relais par lequel passe l'aide aux mouvements anticoloniaux. Les risques sont consid茅rables. la Tanzanie et la Zambie qui ouvrent en 1964 des camps d'entra卯nement et des bases pour le Front de lib茅ration du Mozambique (Frelimo) s'attirent des repr茅sailles des forces portugaises. Les combattants de l'African national Congress (ANC) de Nelson Mandela ont eux aussi des bases dans ces deux pays. Ce qui les expose 茅galement 脿 des attaques sud-africaines. En 1969, c'est 脿 Dar es Salaam que le dirigeant du Frelimo, Eduardo Mondlane, est tu茅 par un colis pi茅g茅 exp茅di茅 par les services portugais.

Sur la ligne de front

脡voquant cette 茅poque, le journaliste tanzanien Godfrey Mwakikagile d茅crit le Dar es Salaam des ann茅es 1960 et 1970 comme "l'茅picentre d'une activit茅 sismique dans le paysage politique africain et au-del脿鈥� un refuge et un incubateur pour les militants et les r茅volutionnaires du monde entier."

En 1974, un coup d'脡tat militaire contre le r茅gime portugais met une fin aussi rapide qu'inattendue au colonialisme portugais en Afrique et fait basculer l'茅quilibre strat茅gique dans la r茅gion. Pour le r茅gime rhod茅sien, la situation devient intenable. Les rebelles op猫rent d茅sormais autour de la longue fronti猫re avec le Mozambique ind茅pendant. L'Afrique du Sud, son alli茅 principal, subit des pressions internationales de plus en plus fortes en raison de sa politique d'apartheid, ce qui ne lui laisse d'autre choix que de n茅gocier les termes de l'ind茅pendance de son prot茅g茅. Les n茅gociations pour la passation de pouvoir se tiennent 脿 Lancaster House en Grande-Bretagne, en la pr茅sence d'un groupe de pays africains compos茅 de l'Angola, du Botswana, du Mozambique, de la Tanzanie et de la Zambie d茅sign茅s sous le nom d'脡tats de la ligne de front.

Form茅 en 1976, le groupe des 脡tats de la ligne de front maintient la pression militaire et diplomatique sur les r茅gimes des minorit茅s blanches pour les obliger 脿 accepter le principe du pouvoir de la majorit茅. Les dirigeants de ces pays exigent 茅galement avec succ猫s que le mouvement anticolonial divis茅 de la Rhod茅sie (qui deviendra le Zimbabwe) forme un front uni et accepte certains compromis afin d'aboutir 脿 un accord. Leur action m猫ne 脿 l'ind茅pendance du Zimbabwe le 18 avril 1980. Il est alors le 51e 脡tat ind茅pendant d'Afrique et le sixi猫me parmi ceux de la ligne de front.

Suite 脿 la perte de ses alli茅s portugais et rhod茅siens, l'Afrique du Sud intensifie la r茅pression int茅rieure et adopte une "strat茅gie totale" de d茅stabilisation militaire et 茅conomique contre ses voisins ind茅pendants. Cette combinaison meurtri猫re d'incursions arm茅es, de soutien 脿 des groupes arm茅s satellites et de coercition 茅conomique cause des dommages consid茅rables aux infrastructures d茅j脿 fragiles de la r茅gion, de l'ordre de dizaines de milliards de dollars. On estime que ces actions de d茅stabilisation ont provoqu茅, directement et indirectement, jusqu'脿 100 000 morts pour le seul Mozambique.

Un rassemblement anti-apartheid 脿 Johannesburg (Afrique du Sud) en 1985 : L'Afrique ind茅pendante a apport茅 un important soutien 脿 la lutte contre la domination de la minorit茅 blanche.

Photo: Photo ONU

Vers la d茅mocratie

Les 脡tats de la ligne de front ripostent 脿 la nouvelle strat茅gie sud-africaine en mettant sur pied la Conf茅rence pour la coordination du d茅veloppement de l'Afrique australe, une f茅d茅ration 茅conomique r茅gionale destin茅e 脿 att茅nuer leur d茅pendance 茅conomique par rapport 脿 l'Afrique du Sud. Cette organisation pose les bases de la Communaut茅 de d茅veloppement de l'Afrique australe (SADC) lanc茅e 12 ans plus tard, apr猫s la fin de l'apartheid.

Militairement, le soutien politique de l'OUA permet au gouvernement angolais de faire appel 脿 des forces cubaines pour aider 脿 repousser une invasion de grande ampleur du pays par l'Afrique du Sud. Confront茅e 脿 la pr茅sence de puissantes forces angolaises et internationales sur la fronti猫re de la Namibie, l'Afrique du Sud accepte le plan de d茅colonisation du territoire qu'elle avait longtemps bloqu茅. Le 21 mars 1990, la Namibie devient 脿 son tour ind茅pendante et un des fondateurs du mouvement de lib茅ration SWAPO, Sam Nujoma, acc猫de au poste de chef d'脡tat.

L'茅chec de la strat茅gie r茅gionale de l'Afrique du Sud et l'escalade constante des manifestations de masse dans le pays aboutissent en 1989 au d茅part du pr茅sident Pieter W. Botha, un partisan de la ligne dure, et 脿 son remplacement par F. W. de Klerk, qui prend, l'ann茅e suivante la d茅cision de lib茅rer Nelson Mandela et de lever l'interdiction impos茅e aux organisations anti-apartheid alors en exil. Les n茅gociations entre les deux hommes m猫nent 脿 la fin de l'apartheid le 10 mai 1994, date 脿 laquelle M. Mandela devient le premier pr茅sident sud-africain 茅lu d茅mocratiquement, lors de ce qu'il qualifie alors de "victoire commune pour la justice, pour la paix, pour la dignit茅 humaine".

En hommage 脿 l'OUA, lors du lancement de l'Union africaine, en 2002, les dirigeants africains not猫rent que c'est sur la question de la lib茅ration du continent de la domination coloniale que l'organisation avait men茅 son action la plus efficace et que "cette dynamique s'est r茅v茅l茅e d茅cisive dans la lutte men茅e pour la d茅colonisation" de l'Afrique. "A travers le Comit茅 de coordination de l'OUA pour la lib茅ration de l'Afrique, ont-ils d茅clar茅, le continent a parl茅 d'une seule voix et a 艙uvr茅 avec une d茅termination sans faille 脿 la r茅alisation d'un consensus international en faveur de la lutte de lib茅ration."

Cinquante ans plus tard, le "vent du changement" souffle sur un continent transform茅. Une nouvelle g茅n茅ration, n茅e ind茅pendante, fait face 脿 des d茅fis toujours pr茅sents : forger l'unit茅 du continent, renforcer la d茅mocratie et stimuler le d茅veloppement. Le combat continue.