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L’Afrique et la crise économique mondiale

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L’Afrique et la crise économique mondiale

Il faut une augmentation de l’aide
Afrique Renouveau: 
Reuters / Howard Burditt
An African stock exchangeUne Bourse africaine : bien que l’impact initial de la crise financière mondiale soit limité en Afrique, le ralentissement de la croissance de l’économie mondiale affecte actuellement de manière sensible les espoirs de croissance de l’Afrique même.
Photo: Reuters / Howard Burditt

La crise économique mondiale prenant de plus en plus d’ampleur, les dirigeants africains adressent un message fort à la communauté internationale l’enjoignant de venir en aide au continent. A la veille de la réunion en avril du groupe des 20 (G-20), un conseil de haut niveau, les dirigeants africains ont rencontré son hôte le Premier Ministre du Royaume-Uni Gordon Brown pour lui dire que les bailleurs de fonds devaient honorer leurs engagements afin d’augmenter l’aide et de mettre en œuvre un système de gestion des affaires financières internationales plus équitable et plus flexible.

En rapport avec le programme de relance mondial prévu par le (G-20), le Premier Ministre éthiopien Meles Zenawi a fait appel au propre intérêt des pays riches. Il a maintenu qu’à la longue “l’impact du plan de relance mondial sur chaque dollar investi en Afrique est plus importantque s’il estinvesti aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni”. Il a averti que si l’on laissait la crise empirer, certains pays sombreraient dans un chaos total et le coût des violences qui en résulteraient “en serait bien plus élevé que celui du soutien de l’Afrique”. La Banque mondiale a exhorté les pays développés à consacrer 0, 7 % de leur plan de relance à un fonds de vulnérabilité destiné aux pays en développement dont les moyens ne leur permettent pas de profiter d’une relance budgétaire.

“Le plus grand danger”

La crise actuelle “présente pour le développement de l’Afrique le plus grand danger jamais encouru”, a déclaré le Président de la Tanzanie Jakaya Kikwete à la conférence sur le développement africain qui s’est tenue les 10 et 11 mars à Dar-es-Salaam. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit actuellement que l’économie mondiale subira une récession cette année, les prévisions de croissance pour l’Afrique subsaharienne dépassant à peine 3 % — seulement la moitié de la valeur moyenne de la décennie passée, avec un risque réel de réduire des millions d’individus à une pauvreté extrême (voir encadré).

A la réunion de Dar-es-Salaam, les dirigeants africains ont réaffirmé la nécessité de renforcer leur politique économique et de garantir une bonne gouvernance. Mais d’autre part, ils ont fait un appel urgent aux donateurs leur demandant d’augmenter leur aide et de ne pas la réduire comme durant les crises précédentes. De plus, ils ont mis en évidence que les montants nécessaires sont infimes par rapport aux plans de relance de nombreux pays développés.

La Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Asha-Rose Migiro (ancien Ministre des affaires étrangères de la Tanzanie) a déclaré à la réunion que les partenaires du développement de l’Afrique devaient être fidèles à leurs engagements : “Ce dont nous n’avons pas besoin, ce sont encore des promesses”. Selon certaines estimations, seulement 14 % des 50 milliards de dollars supplémentaires d’aide annuelle promis à l’Afrique jusqu’en 2010 par le Groupe des Huit des pays industrialisés au sommet de 2005, ont été versés.

Il faut un “réseau de sécurité”

La réunion a aussi mis l’accent sur l’importance du commerce, avertissant que tout retour au protectionnisme ne ferait qu’approfondir les problèmes de l’Afrique. Il faut “des conditions commerciales égales et le retrait des subventions qui pénalisent l’Afrique, ainsi qu’un réseau de sécurité continentale servant à soutenir ceux qui ont des défaillances ”, a déclaré dans son discours Kofi Annan, Président de l’Africa Progress Panel, un groupe de pression.

“Nous pensions être à l’abri de la crise du secteur financier, a déclaré en mars à Lagos le Ministre des finances du Nigéria Mansour Muhtar, mais aujourd’hui, aucun pays n’est à l’abri”.

Les prix du cuivre ont baissé de 60 %. Le pétrole, à environ 40 dollars le baril, est à une fraction de son maximum de plus de 140 dollars d’il y a un an. Les prix du caoutchouc, du coton, de l’huile de palme et du bois ont également considérablement baissé. En Tanzanie où le tourisme est une source importante de revenus, on prévoit une réduction de 18 % du nombre de touristes.

La réduction de la demande mondiale entraîne une montée du chômage, le secteur minier étant particulièrement touché. En République démocratique du Congo (RDC), on estime qu’entre 200 000 et 300 000 mineurs se sont retrouvés sans emploi ces six derniers mois.

Carrying a sack of “export quality” coffee in Uganda Transport d’un sac de café “de qualité exportation” en Ouganda : la crise économique mondiale affecte les prix des produits d’exportation de l’Afrique.
Photo: Panos / Karen Robinson

Les familles africaines reçoivent également moins d’argent de leurs parents travaillant à l’étranger. L’augmentation récente de ces revenus s’est considérablement réduite l’année dernière et l’on prévoit leur diminution en 2009.

Les mauvaises prévisions économiques ont entraîné une fuite du capital dans de nombreux pays. Selon le Directeur général de la Bourse du Nigéria, Ndi Okereke-Onyiuke, les investisseurs étrangers ont retiré environ 4 milliards de dollars du marché financier du Nigéria en 2008.

La Société financière internationale, qui est la branche privée de la Banque mondiale, rapporte qu’en 2008 près de 450 promesses d’investissements dans des projets d’infrastructure en Afrique, ont été annulées.

Tout cela signifie que les gouvernements disposent de moins d’argent dans leurs budgets, à un moment où les coûts augmentent. Les prix des denrées alimentaires et du carburant baissent peut-être sur les marchés mondiaux, mais la valeur des monnaies locales s’est aussi dépréciée, parfois à un rythme beaucoup plus rapide. Le kwacha de la Zambie a chuté de 60 % ces six derniers mois, rendant les importations plus chères.

Ce qui était une crise financière au début risque de devenir une crise humanitaire. La réduction de la croissance cette année signifie que la moyenne des revenus en Afrique, déjà pitoyable, subira une chute de 20 %, indique Kevin Watkins, l’un des auteurs du Rapport mondial de suivi sur l’Education pour tous publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

Un régime de rigueur

Selon le FMI, la plupart des pays africains devront maintenir un régime de rigueur strict pour préserver des résultats difficilement acquis par les réformes économiques et essayer de protéger les plus pauvres des impacts de la crise. Peu de pays africains ont les moyens nécessaires pour échapper à la crise, déclare le Président de la Banque africaine de développement (BAD) Donald Kaberuka. “Nous n’avons pas les réserves fiscales des pays développés pour propulser notre économie au moyen de dépenses massives”, a-t-il déclaré à une réunion au sommet de l’Union africaine en février.

Bien que le niveau des dettes soit généralement peu élevé, il est de plus en plus difficile de trouver des créanciers et le coût du crédit augmente.

C’est la raison pour laquelle les aides publiques urgentes sont une nécessité particulièrement importante pour maintenir le jeu d’équilibre auquel se livrent la plupart des pays africains. Selon le FMI, les 25 pays de faibles revenus — dont 13 sont africains — qui sont “spécialement exposés” à toute détérioration économique mondiale supplémentaire, auront besoin d’au moins 25 milliards de dollars de fonds d’urgence cette année.

Cinq pays africains - les Comores, la RDC, l’Éthiopie, le Malawi et le Sénégal - ont bénéficié d’un financement de la Facilité de protection contre les chocs exogènes, un système conçu par le Fonds pour aider les pays touchés par des événements extérieurs. La Banque mondiale a également mis à disposition 2 milliards de dollars de fonds d’urgence, dont la RDC a été le premier bénéficiaire.

Modifiant sa politique de crédit normale pour le développement, la Banque africaine de développement a établi un fonds d’urgence de 1,5 milliard de dollars pour les pays qui nécessitent un financement à court terme, ainsi qu’un financement commercial de 1 milliard de dollars pour aider les banques et autres institutions financières africaines à maintenir leurs activités. En tout et pour tout, la BAD prévoit une augmentation de ses crédits d’environ 11 milliards de dollars.

Une voix plus forte

Les dirigeants africains ne demandent pas seulement une augmentation de l’aide d’urgence. Ils demandent également à siéger aux réunions de planification du redressement économique. Le Président sud-africain Kgalema Motlanthe est le seul représentant de l’Afrique au G-20. L’Afrique prétend à “une voix proportionnée pour redresser le système de financement mondial et les réponses à la crise actuelle”, a déclaré le Président Kikwete à la réunion de Dar-es-Salaam.

“L’Afrique doit être pleinement représentée dans l’évolution de l’architecture mondiale”, indique la déclaration de Dar-es-Salaam. Ceci doit inclure un renforcement supplémentaire de la voix de l’Afrique dans le FMI, lequel doit augmenter son soutien à l’Afrique en augmentant le financement, en assurant une plus grande flexibilité et en renforçant le dialogue politique.

Ces appels à la réforme reflètent un grand nombre des recommandations de la commission de spécialistes établie par le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Miguel d’Escoto. Selon le Président de la commission, le prix Nobel Joseph Stiglitz, il faut des mesures de relance mondiales qui soient équitables, adéquates et démunies de conditions, ainsi que des mesures à long terme comprenant des facilités de crédit international et un meilleur contrôle financier mondial.

Projections d’une croissance en baisse

Il y a un an à peine, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait que le produit intérieur brut (PIB) des pays de l’Afrique subsaharienne augmenterait de 6,7 % en moyenne en 2009. Puis en octobre 2008, il a revu ses projections à la baisse – 5,1 %. En janvier, en raison de l’aggravation de la crise économique mondiale, le Fonds a dû encore une fois revoir ses projections à la baisse – 3,5 %. Et en mars, la projection la plus optimiste pour la croissance en 2009 était de 3,25 %, le FMI ayant averti que ce taux de croissance pourrait encore tomber plus bas.

La Banque africaine de développement (BAD), quant à elle, projette un taux de croissance moyen de 3,2 % en 2009 pour l’ensemble des pays africains, alors que les estimations pour 2008 étaient de 5,75 %. Pour l’Afrique subsaharienne, elle prédit une croissance de 2,6 % pour 2009, contre 5,55 % en 2008. Rappelant les limites financières du continent, la BAD pense que les pays africains passeront d’un excédent budgétaire global équivalent à 1,8 % du PIB en 2008, à un déficit de 5 % en 2009.