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Les inscriptions scolaires ayant beaucoup augment茅 dans plusieurs pays d'Afrique, les enseignants sont souvent confront茅s 脿 des classes surcharg茅es.

Photo: UNESCO / Petterik Wiggers

Un modeste b芒timent en briques de terre cuite, poussi茅reux et pauvrement am茅nag茅, sert de salle de classe pour les 茅l猫ves de primaire de Buterere, une bourgade des faubourgs de la capitale burundaise. La salle est remplie d'une foule de petites silhouettes en uniformes couleur kaki : certains des 茅l猫ves sont install茅s 脿 m锚me le sol en terre battue et tentent d'茅crire sur des cahiers pos茅s en 茅quilibre sur leurs genoux. D鈥檃utres plus chanceux sont serr茅s les uns contre les autres sur un banc derri猫re des pupitres et notent ce que leur instituteur dit ou 茅crit au tableau. Sous le toit en t么le l鈥檃tmosph猫re est chaude et 茅touffante.

Cette sc猫ne n'est pas rare dans ce petit pays d'Afrique de l鈥橢st qui sort de 13 ans de guerre civile. De fait, l鈥檃ugmentation du nombre d'茅l猫ves par classe est le seul changement notable depuis que le pays a supprim茅 les frais de scolarit茅 pour les classes primaires en septembre 2005. La construction de nouvelles salles de classe est extr锚mement lente.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l鈥檈nfance (UNICEF), la fr茅quentation scolaire est pass茅e de 59% en 2005 脿 96,1% en 2011. Le nombre de filles qui acc猫dent 脿 l鈥櫭ヽole primaire pour la premi猫re fois est m锚me plus 茅lev茅 que celui des gar莽ons. En outre, toujours selon l鈥橴NICEF, le nombre moyen d'茅l猫ves par classe est estim茅 脿 83.

Comme l鈥檈xplique 脿 Afrique Renouveau Concilie Nizigiyimana, une inspectrice des 茅coles de la province rurale autour de Bujumbura, la capitale, certains enfants s'inscrivent pour la premi猫re fois 脿 10 voire 12 ans. 芦听La majeure partie des familles de cette r茅gion n'avait pas les moyens d'envoyer leurs enfants 脿 l鈥櫭ヽole, raconte-t-elle. Quand la scolarit茅 est devenue gratuite, le nombre d'茅l猫ves a fortement augment茅. Dans certaines classes, on compte 100 茅l猫ves pour un instituteur. Nous devons souvent emprunter des pupitres et des bancs aux classes du secondaire.听禄

Le syst猫me de 芦classes altern茅es禄 mis en place par le gouvernement permet de soulager la pression au niveau des classes. Mais il exige un 茅norme travail de la part des enseignants qui sont oblig茅s d'organiser deux sessions scolaires par jour. Comme le note le rapport d'une agence des Etats-Unis pour le d茅veloppement, ce syst猫me oblige les enseignants 脿 faire entrer deux journ茅es d'茅cole dans une seule journ茅e de calendrier, ce qui avec le temps, compromet la qualit茅 de l鈥櫭ヾucation.

Un mod猫le de r茅ussite听?

Et pourtant ni le manque d'enseignants, ni les classes trop nombreuses, ni la raret茅 des manuels et fournitures scolaires n'emp锚chent les 茅coliers d'affluer.

Le Burundi pourrait facilement 锚tre un symbole de la mise en oeuvre des objectifs du Mill茅naire pour le d茅veloppement (OMD) en mati猫re d鈥櫭ヾucation. Le pays affiche tous les signes d'une r茅ussite en mati猫re de r茅alisation des OMD, avec des progr猫s notables malgr茅 une population importante et tr猫s pauvre, de faibles taux d'alphab茅tisation ou encore une forte d茅pendance vis-脿-vis de l鈥檃ide internationale. Selon le , 56,4% de la population rurale du Burundi et 66,5% de sa population urbaine vivent dans la pauvret茅. Le pays arrive fr茅quemment en t锚te de liste des pays les moins avanc茅s qui ont progress茅 de mani猫re remarquable dans le domaine de l鈥櫭ヾucation avec Madagascar, le Rwanda, S茫o Tom茅 et Pr铆ncipe, la Tanzanie et le Togo.

Selon le 茅tabli par le D茅partement des affaires 茅conomiques et sociales de l鈥橭NU, les taux de scolarisation dans le primaire sont pass茅s de 58 脿 76% depuis 1999 dans l鈥檈nsemble de l鈥橝frique subsaharienne. Plusieurs pays de la r茅gion ont aussi r茅ussi a r茅duire des taux de non scolarisation relativement importants, alors m锚me que le nombre d'enfants en 芒ge d'锚tre scolaris茅s continuait d'augmenter. Mais 脿 l鈥檌nstar du Burundi, plusieurs de ces pays sont confront茅s 脿 des d茅fis importants.

Gar莽ons et filles dans une classe au Burundi听: l鈥檃ugmentation des inscriptions scolaires est all茅e de pair avec une r茅duction de l鈥櫭ヽart entre les sexes.

Photo: UNICEF / Pawel Krzysiek

Un soutien politique puissant

Apr猫s le Zimbabwe, le Malawi est devenu en septembre 1994 l鈥檜n des premiers pays d鈥橝frique 脿 adopter l鈥檈nseignement primaire gratuit et obligatoire pour toutes les classes. Le Kenya et le Lesotho ont suivi peu apr猫s听: comme au Burundi, l鈥櫭﹍imination des frais de scolarit茅 est tr猫s vite devenue un puissant outil de strat茅gie 茅lectorale.

Le Malawi a 茅t茅 pionnier dans ce que la Banque mondiale appelle 鈥渓a strat茅gie du big bang.鈥� Ces pays ont mis en place, de mani猫re rapide et volontaire, une politique agressive de gratuit茅 茅ducative. M锚me si dans la plupart des cas ces initiatives 茅taient mal pr茅par茅es et mal financ茅es, m锚me si leur application a 茅t茅 trop lente et m锚me si les objectifs qualitatifs n'ont pas 茅t茅 atteints, leur impact aupr猫s du public a toutefois 茅t茅 茅norme.

Ces jeunes d茅mocraties ont largement puis茅 dans leurs finances publiques, mobilisant des fonds et ajustant leurs budgets afin de financer des initiatives souvent co没teuses. Ces derni猫res s'appuyaient sur le Cadre d'action de Dakar de 2000, qui r茅affirmait les objectifs de la D茅claration mondiale sur l鈥櫭ヾucation pour tous de 1990, un pacte dont l鈥檕bjectif 茅tait de renforcer les efforts visant 脿 am茅liorer l鈥櫭ヾucation. Le Cadre d'action de Dakar reconnaissait l鈥檌mportance de soutenir les promesses politiques avec des moyens financiers ad茅quats. Une fois les financements valid茅s au niveau national, les bailleurs de fonds internationaux 茅taient 脿 leur tour persuad茅s d'apporter leur soutien.

Selon le publi茅 en 2011 par l鈥橭rganisation des Nations Unies pour l鈥櫭ヾucation, la science et la culture (UNESCO), les budgets 茅ducatifs des pays d'Afrique subsaharienne ont augment茅 de 4,6% en moyenne. Au Burundi, note le rapport, la part du produit national brut consacr茅e aux d茅penses d'茅ducation a doubl茅 entre 1999 et 2008 et une partie non n茅gligeable de cette augmentation a 茅t茅 consacr茅e 脿 l鈥檈nseignement primaire. L鈥櫭塼hiopie a presque doubl茅 son budget 茅ducation, tout en consacrant une part de ce budget 脿 l鈥檈nseignement secondaire. Les autres pays qui d茅pensent beaucoup pour l鈥櫭ヾucation sont le Rwanda, le Mozambique, le S茅n茅gal et la Tanzanie.

R茅duire le foss茅 entre les sexes

Sur tout le continent, l鈥檜ne des priorit茅s a 茅t茅 l鈥檃ugmentation du taux de scolarisation des filles pour qu'il atteigne le m锚me niveau que celui des gar莽ons. Seize pays ont ainsi r茅ussi 脿 atteindre la parit茅 des sexes dans l鈥櫭ヾucation primaire. Parmi eux la Gambie, la Guin茅e, la Mauritanie et le S茅n茅gal se sont distingu茅s selon une 茅tude r茅cente de la Banque africaine de d茅veloppement (BAD) sur les OMD.

La banque laisse aussi entendre que la parit茅 des sexes en mati猫re de scolarisation pourrait 锚tre atteinte sur tout le continent en 2015 si la tendance actuelle se poursuit. Ce n'est pas l鈥檃vis de l鈥橴NESCO, qui souligne de son c么t茅 qu'au niveau de l鈥櫭ヾucation primaire, l鈥橝frique subsaharienne est la r茅gion o霉 le foss茅 entre les sexes est le plus marqu茅.

Dans de nombreuses soci茅t茅s africaines, les filles sont traditionnellement rel茅gu茅es au second plan, les gar莽ons 茅tant en g茅n茅ral plus valoris茅s qu鈥檈lles. Autrefois, quand les parents d茅cidaient d'envoyer un enfant 脿 l鈥櫭ヽole, le choix 茅tait 茅vident. La suppression du facteur co没t permet d茅sormais aux jeunes filles d'acc茅der 脿 l鈥櫭ヾucation de base.

Il n'a cependant pas 茅t茅 facile de convaincre les dirigeants africains d'investir dans l鈥櫭ヾucation des filles, souligne Amina Az-Zubair, ancienne adjointe au Pr茅sident du Nig茅ria, qui a r茅cemment 茅t茅 nomm茅e Conseill猫re sp茅ciale des Nations Unies pour la planification du d茅veloppement apr猫s 2015. Toutefois, lors d鈥檜n entretien avec la Banque mondiale, elle a d茅clar茅 芦听Je pense qu'il a 茅t茅 d茅montr茅 脿 plusieurs reprises que l鈥櫭ヾucation des filles a une incidence positive sur les taux de mortalit茅 maternelle. Il est clair qu'en poursuivant cette 茅ducation, nous gagnons beaucoup en termes de comp茅tences.听禄

Au total, les disparit茅s entre les sexes en mati猫re d'茅ducation restent consid茅rables en Afrique et au niveau mondial. L鈥櫭ヾucation gratuite ne garantit pas forc茅ment l鈥檈ffacement des st茅r茅otypes ou des barri猫res culturelles qui emp锚chent les filles d'acc茅der 脿 l鈥櫭ヽole. Les conditions mat茅rielles doivent aussi 锚tre meilleures pour garantir aux filles un environnement scolaire 脿 la fois s没r et accueillant. L鈥橧nstitut de statistique de l鈥橴NESCO souligne par exemple que l鈥檃bsence de toilettes s茅par茅es pour les filles est un obstacle 脿 leur scolarisation r茅guli猫re et les expose davantage 脿 l鈥檈xploitation et aux abus sexuels, ainsi qu'aux maladies sexuelles.

Les objectifs de 2015 encore loin d'锚tre atteints

Jusqu'脿 pr茅sent, s'agissant de la majeure partie des objectifs en mati猫re d'茅ducation, les pays africains continuent d'obtenir de bons r茅sultats. Le taux net de scolarisation dans le primaire a augment茅 dans la plupart des pays africains, voire dans tous les pays du continent. Mais l鈥橝frique subsaharienne accueille aussi 43% des enfants non scolaris茅s dans le monde.

Trois ans nous s茅parent de 2015, date 脿 laquelle les OMD devront 锚tre atteints. Mais les perspectives de r茅ussite de l鈥檕bjectif d'茅ducation primaire pour tous sont de plus en plus incertaines. Jusqu'脿 la r茅cente tourmente 茅conomique mondiale, la forte croissance de l鈥橝frique cr茅ait un environnement favorable 脿 des progr猫s importants dans l鈥櫭ヾucation. Mais les difficult茅s 茅conomiques des pays europ茅ens et d'autres pays donateurs 鈥� qui jusqu'ici finan莽aient en Afrique certaines des politiques 茅ducatives r茅ussies du continent 鈥� pourraient menacer ces avanc茅es. Selon l鈥橴NESCO, les flux d鈥檃ide 脿 l鈥櫭ヾucation de base en Afrique subsaharienne ont baiss茅 d鈥檈nviron 6% par enfant en 芒ge de fr茅quenter l鈥櫭ヽole primaire.

Toujours dans la course

Les gouvernements africains ont d茅montr茅 qu'il 茅tait possible d'offrir une 茅ducation primaire gratuite dans des pays qui disposent de ressources limit茅es. Mais les 茅conomies nationales doivent se renforcer pour que l鈥檃ide ext茅rieure ne soit plus n茅cessaire.

En outre, l鈥檕bjectif de scolarisation d'un nombre toujours plus important d'enfants d茅pend d'autres objectifs cl茅s de d茅veloppement, comme l鈥櫭﹍imination de la faim, ou la lutte contre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies. Les dirigeants africains s'inqui猫tent donc de ce que les efforts de soutien de la communaut茅 internationale pour les OMD ne viennent 脿 faiblir. Comme l鈥檈xplique Jomo Kwame Sundaram, Sous-Secr茅taire g茅n茅ral des Nations Unies charg茅 du d茅veloppement 茅conomique, 芦听l鈥橝frique est inqui猫te de voir les OMD passer au second plan des priorit茅s. [Les dirigeants africains] ne veulent pas d鈥檜n fl茅chissement de l鈥檈ffort actuel. Ils craignent, et c'est compr茅hensible, que les discussions actuelles ne distraient certains pays de leurs objectifs.听禄

M. Sundaram faisait allusion 脿 la Conf茅rence des Nations Unies sur le d茅veloppement durable qui s'est tenue r茅cemment 脿 Rio de Janeiro et qui a insist茅 sur des priorit茅s nouvelles. 芦听Maintenant, ce qui suscite l鈥檌nt茅r锚t, c'est la viabilit茅 environnementale,听禄 explique-t-il.

La plupart des pays africains refusent pourtant de c茅der au d茅couragement face aux nouveaux obstacles, ou 脿 l鈥櫭ヽh茅ance qui approche. L鈥檌nstauration d'une 茅ducation primaire gratuite et obligatoire a 茅t茅 b茅n茅fique pour l鈥橝frique subsaharienne 脿 de nombreux 茅gards. Des financements importants ont 茅t茅 mobilis茅s dans les caisses de l鈥�?tat, la coop茅ration avec les bailleurs de fonds s'est d茅velopp茅e et la confiance du public envers les gouvernements a 茅t茅 renforc茅e.

Le Kenya, par exemple, ne m茅nage aucun effort. Il a d茅pos茅 un projet de loi sur l鈥櫭ヾucation qui devrait permettre un accroissement substantiel des financements pour la construction d'茅coles. Il pr茅pare m锚me un autre projet de loi muscl茅 qui forcerait les parents qui s'y refusent encore, 脿 envoyer leurs enfants 脿 l鈥櫭ヽole, sans quoi ils risqueraient la prison. Les dirigeants k茅nyans esp猫rent que ces mesures les aideront 脿 respecter leur engagement de rendre l鈥檈nseignement primaire accessible 脿 tous.