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L’Afrique fait appel aux fonds d’urgence

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L’Afrique fait appel aux fonds d’urgence

Il faudra attendre des réformes plus approfondies du système financier international
Afrique Renouveau: 
Alamy Images / Eye Ubiquitous
Factory worker in Nigeria Usine au Nigéria: les institutions donatrices ont promis un financement qui permettra de stimuler les activités économiques en Afrique et dans d’autres régions pauvres.
Photo: Alamy Images / Eye Ubiquitous

Les pays africains commencent à recevoir une partie de l’aide au développement dont ils ont besoin pour surmonter la récession économique actuelle. Mais des doutes considérables ont été exprimés en ce qui concerne les financements.

Le groupe des 20 (G 20), une instance consultative qui réunit les plus grandes économies de la planète, a proposé à sa réunion de Londres du 2 avril une série de mesures pour faire face à la crise. Mais cette initiative a été accueillie avec un enthousiasme mitigé. Bien qu’importantes, les mesures prises par le G20 “pourraient ne pas être suffisantes pour faire face aux défis que pose cette crise à l’échelle mondiale,” avertit Situation et perspectives de l’économie mondiale, 2009, rapport de l’ONU. Globalement, c’est environ 50 milliards de dollars qui devraient être mis à la disposition des pays à faible revenu. Cependant, on ne sait pas bien encore quels sont les nouveaux financements que le G 20 offre ainsi ni quelle proportion l’Afrique en recevra et quand. C’est ce qu’affirmait dans un rapport établi en juin l’Africa Progress Panel, un groupe de sensibilisation africain.

Malgré ses promesses de stimuler la reprise de la croissance économique par des mesures appropriées, le G 20 a fourni peu de détails, choisissant de se concentrer sur le renforcement des ressources du Fonds monétaire international (FMI), pour lui permettre de prêter des sommes plus importantes aux pays touchés par la crise. Le G 20 s’est également engagé à soutenir une augmentation des prêts accordés par les banques régionales, comme la Banque africaine de développement (BAD), ainsi qu’une amélioration du financement du commerce international. ().

IMF Managing Director Dominique Strauss-Kahn visiting Tanzania Visite en Tanzanie du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn : le Fonds promet d’imposer des conditions d’octroi de prêts moins rigoureuses aux pays africains en crise.
Photo: Reuters / Stephen Jaffe

Il est envisagé de tripler les ressources du FMI, d’allouer à tous les pays membres des droits de tirage spéciaux supplémentaires (ces droits sont l’unité de compte du FMI), de lui permettre d’accorder des prêts bonifiés assortis de moins de conditions et de renforcer la surveillance de la politique économique de tous ses membres (y compris des plus riches). Les dirigeants du G 20 ont aussi exprimé leur soutien à la réforme du FMI et de ses institutions sœurs.

‘Les pays riches peuvent faire plus’

Un FMI réorganisé et aux ressources renouvelées, disposant politiquement de pouvoirs de contrôles plus importants représenterait “une grande victoire pour l’Afrique” déclarait à la mi-avril Trevor Manuel, alors ministre des Finances d’Afrique du Sud.

Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, a confirmé que l’Afrique pouvait espérer que les prêts à taux bonifiés qui lui sont accordés seraient doublés au cours des deux à trois prochaines années pour atteindre environ 6 milliards de dollars. La Banque mondiale a mis sur pied un mécanisme de financement rapide de 2 milliards de dollars au profit des pays victimes de la crise ; la BAD, pour sa part, a créé de nouvelles facilités permettant à ses membres de se procurer des liquidités d’urgence et de financer leurs échanges internationaux.

Fin mai, le Kenya et la Tanzanie ont eu recours à la nouvelle Facilité de protection contre les chocs exogènes du FMI, mise en place pour aider les pays victimes de crises soudaines causées par des facteurs externes.

Un répit prolongé

Le FMI explique aussi qu’il assouplit les conditions qu’il impose aux emprunteurs et qu’il s’efforce de préserver les programmes sociaux en ciblant mieux ses prêts et ses subventions pour permettre aux plus vulnérables d’en bénéficier.

La mise en œuvre de l’accord sur la nouvelle attribution de droits de tirage spéciaux attend que celui-ci soit officiellement approuvé par le Conseil des Gouverneurs du FMI. Mais une fois que cette attribution sera effectuée, elle renforcera les réserves de devises afri­caines d’environ 16 milliards de dollars, ce qui aidera à calmer les inquiétudes des dirigeants des banques centrales et des investisseurs.

À leur assemblée générale annuelle en mai, les actionnaires de la BAD ont accepté d’entamer des discussions sur une éventuelle augmentation du capital de la banque. À cette même réunion, la BAD, la Banque mondiale, la Banque de développement de l’Afrique australe et un certain nombre de prêteurs bilatéraux ont annoncé une stratégie coordonnée destinée à mettre 15 milliards de dollars à la disposition de secteurs clés comme celui des infrastructures.

La BAD mobilise également de nouvelles recettes fiscales, comme le fait pour sa part la Société financière internationale, organisme du secteur privé affilié à la Banque mondiale. Le tarissement du financement du commerce extérieur a eu un fort impact sur l’Afrique, explique M. Kaberuka. Au moment où le G 20 se réunissait, la Banque mondiale annonçait le lancement d’une initiative coordonnée entre organismes de prêt bilatéraux et multilatéraux qui ouvriront dans une première phase des crédits de 5 milliards de dollars.

Les perspectives de l’aide au développement

En dépit de ces nouvelles initiatives, les perspectives de l’aide au développement continuent à être problématiques. L’aide au développement accordée à l’Afrique a augmenté d’environ 10 % en 2008, mais sur la base d’un déclin continu aux cours des deux années précédentes. Comme le soulignent l’Union africaine et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) dans leur Rapport économique sur l’Afrique 2009, le niveau de cette aide est considérablement inférieur aux 72 milliards de dollars annuels considérés nécessaires pour réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement fixés en 2000 par les dirigeants du monde entier.

La nouvelle administration américaine a affirmé qu’elle doublerait son aide au développement au cours des cinq prochaines années. Le Royaume-Uni a promis de respecter ses engagements, le Danemark a promis 3 milliards de dollars pour financer l’emploi des jeunes et les investissements dans le secteur privé. Cependant, le Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui réunit les pays industrialisés a reconnu fin mai que certains de ses membres avaient déjà réduit leur aide.

Même si ces budgets ne sont pas réduits, la Banque mondiale explique que quelque 5 milliards de dollars pourraient être perdus cette année en raison des pertes de change essuyées par les seuls membres du CAD. Dans son dernier rapport intitulé Global Development Finance, la banque avertit que l’aide supplémentaire que l’Afrique a reçue n’a pas suffi pour combler le déficit de financement qui s’élargit et devrait atteindre cette année 30 à 40 milliards de dollars.

Des besoins à long terme

Mais l’abondance de financements à court terme comporte aussi des dangers, avertit la BAD dans un document présenté à son assemblée générale annuelle. La perspective de ressources élargies “a du bon et du mauvais” pour de nombreux pays forcés d’emprunter, car elle pourrait entraîner l’imposition de nouvelles dettes susceptibles de compromettre les récents efforts réalisés par le continent pour alléger le fardeau de sa dette. La banque signale aussi le risque que ces ressources soient consacrées aux mesures anticrise au détriment des plans de développement à long terme.

Pour s’assurer que les besoins de développement de l’Afrique restent au premier plan, les dirigeants africains réclament que leur influence et les pouvoirs de décision issus des votes dont ils bénéficient au sein des institutions financières internationales et dans d’autres instances soient renforcés. Les mesures prises jusqu’à présent ne tiennent pas suffisamment compte des préoccupations des pays en développement, s’est plaint Ojo Maduekwe, le mini­stre des Finances du Nigéria, à l’issue d’une réunion des ministres des finances du Groupe des 8 tenue en juin en Italie.

Certains critiques réclament des institutions plus démocratiques, une réglementation renforcée et des orientations différentes. Le Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad), coalition de 55 organisations non gouvernementales, affirme que le FMI continue à imposer des politiques budgétaires et monétaires contraignantes aux pays pauvres.

Une conférence organisée du 24 au 26 juin par l’Assemblée générale des Nations Unies pour débattre des effets de la crise s’est faite l’écho de nombreux appels à une réforme du système financier international. “La crise a montré la nécessité d’être plus attentif à ce qu’ont à dire les pays en développement sur la manière dont le système financier international est géré et réglementé” a déclaré la vice-présidente gambienne Isatou Njie-Saidy.

Les promesses du G 20

Au cours de leur réunion d’avril, les membres du G20 se sont engagés à consacrer 1100 milliards de dollars à soutenir la reprise de la croissance économique. L’accord conclu comprend l’engagement de :

  • Tripler les ressources du FMI pour les porter à 750 milliards de dollars
  • Allouer 250 milliards de dollars supplémentaires aux droits de tirage spéciaux, les fonds qui sont l’unité de compte du FMI
  • Accroître le montant des prêts consentis par les banques de développement multilatérales d’au moins 100 milliards de dollars
  • Consacrer 250 milliards de dollars de plus au financement des échanges internationaux
  • Doubler la capacité de prêt à taux bonifiés du FMI
  • Renforcer le rôle de surveillance et de contrôle du FMI
  • Permettre au FMI et à la Banque mondiale d’offrir de nouvelles conditions de crédit plus souples
  • Réformer les institutions financières internationales afin de donner aux économies émergentes ou en développement une meilleure représentation au sein de leurs instances