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Port au Mozambique: l鈥橝frique est libre d鈥檈xporter ce qu鈥檈lle ne produit pas mais pas ce qu鈥檈lle produit.

Photo: World Bank / Eric Miller

Six journ茅es de pressions, de tractations de nuit et de s茅ances 脿 huis clos 脿 Hong Kong ont abouti de justesse 脿 une concession europ茅enne de derni猫re minute sur les subventions agricoles, 茅pargnant ainsi l鈥檋umiliation d鈥檜n autre 茅chec 脿 la conf茅rence au sommet de d茅cembre 2005 de l鈥橭rganisation mondiale du commerce (OMC). Cette concession a 茅galement permis la poursuite des difficiles n茅gociations sur la lib茅ralisation du commerce mondial, entam茅es 脿 Doha (Qatar) en 2001. Le ministre du commerce du Royaume-Uni, Alan Johnson, a qualifi茅 l鈥檃ccord conclu 脿 Hong Kong d鈥欌�溍ヽhec 茅vit茅 de justesse.鈥� M锚me le Directeur g茅n茅ral de l鈥橭MC, Pascal Lamy, qui a salu茅 le sommet pour avoir sorti les n茅gociations 鈥渄e l鈥檋ibernation鈥�, a reconnu qu鈥檕n n鈥檈n 茅tait qu鈥櫭� mi-chemin, un an apr猫s que les pourparlers auraient d没 en principe s鈥檃chever.

Quatre ans apr猫s la promesse faite par le Nord industriel selon laquelle le but principal de Doha serait d鈥檃ider les populations pauvres de la plan猫te, de nombreux pays africains et autres pays en d茅veloppement remettent en cause les r茅sultats de Hong Kong ainsi que l鈥櫭﹒uit茅 du syst猫me commercial mondial. 脌 leur avis, les principaux 茅l茅ments du programme de d茅veloppement ont 茅t茅 rel茅gu茅s au second plan des n茅gociations ou compl猫tement ignor茅s. Le scepticisme croissant du Sud s鈥檈st manifest茅 le 24 novembre lors de la r茅union des ministres du commerce de l鈥橝frique 脿 Arusha (Tanzanie), au cours de laquelle l鈥檃bsence de r茅sultats concrets sur les questions de d茅veloppement a 茅t茅 d茅nonc茅e bien que le programme de travail lanc茅 脿 Doha ait 茅t茅 pr茅sent茅 comme un cycle de n茅gociations sur le d茅veloppement.

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Quatre ans apr猫s la promesse faite par le Nord industriel selon laquelle le but principal de Doha serait d鈥檃ider les populations pauvres de la plan猫te, de nombreux pays africains et autres pays en d茅veloppement remettent en cause les r茅sultats de Hong Kong ainsi que l鈥櫭﹒uit茅 du syst猫me commercial mondial.

Les n茅gociations devant reprendre le 30 avril au si猫ge de l鈥橭MC 脿 Gen猫ve, un nombre croissant d鈥櫭ヽonomistes, d鈥檈xperts commerciaux et de repr茅sentants d鈥檕rganisations non gouvernementales du Nord comme du Sud ont repris 脿 leur compte les r茅criminations des ministres africains.

Cueillette du coton en C么te d鈥橧voire : les agriculteurs africains continuent 脿 p芒tir des subventions am茅ricaines et europ茅ennes.

Photo: Reuters / Luc Gnago

L鈥檕rdre du jour de Doha

La d茅cision d鈥檃ppeler le processus de Doha cycle de n茅gociations 鈥渟ur le d茅veloppement鈥� illustrait la volont茅 retrouv茅e des pays pauvres de s鈥檃ffirmer davantage au sein de l鈥橭MC. La r茅union de 1999 de Seattle s鈥櫭﹖ait sold茅e par un 茅chec en raison du refus des pays en d茅veloppement, et en particulier de l鈥橝frique, d鈥檈ntamer des n茅gociations sur de nouvelles questions tant que les injustices d茅coulant de l鈥檃ccord commercial pr茅c茅dent, connu sous le nom de cycle d鈥橴ruguay, n鈥檃uraient pas 茅t茅 corrig茅es. Pour s鈥檃ssurer que les questions qui les pr茅occupaient (voir Afrique Relance d茅cembre 2001) seraient inscrites 脿 l鈥檕rdre du jour de la r茅union de Doha, les pays industrialis茅s ont accept茅 d鈥檡 examiner des questions 鈥渓i茅es aux d茅veloppement鈥� int茅ressant l鈥橝frique, dont :

• La correction des iniquit茅s qui pr茅valaient dans les accords commerciaux ant茅rieurs
• L鈥櫭﹍imination des subventions agricoles accord茅es par le Nord
• Le renforcement des dispositions concernant les 鈥渢raitements sp茅ciaux et diff茅rentiels鈥�
• L鈥檃m茅lioration de l鈥檃cc猫s des pays en d茅veloppement aux consommateurs des pays riches
• L鈥檌ntensification de l鈥檃ide au commerce pour encourager les pays afri颅cains 脿 augmenter leur production 脿 l鈥檈xportation

L鈥檃bsence de progr猫s enregistr茅s sur ce 鈥減rogramme de d茅veloppement de Doha鈥� a provoqu茅 l鈥櫭ヽhec en 2003 du sommet de l鈥橭MC 脿 Cancun (Mexique), les pays en d茅veloppement, agac茅s, ayant une nouvelle fois rejet茅 l鈥檌d茅e de nouvelles n茅gociations. L鈥檌mpasse persistante sur la question des subventions agricoles et l鈥檌nertie manifest茅e sur la plupart des autres questions de d茅veloppement semblaient condamner aussi la r茅union de Hong Kong. 鈥淟a question du d茅veloppement est la raison d鈥櫭猼re des pourparlers de Hong Kong鈥�, ont pr茅venu les ministres africains. 鈥淚l faudra obtenir des r茅sultats concrets dans ce domaine."

Dans une d茅claration prononc茅e le 13 d茅cembre 脿 la r茅union de Hong Kong, le Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橭NU, Kofi Annan, s鈥檈st prononc茅 en ce sens, affirmant devant les d茅l茅gu茅s que 鈥渓e d茅veloppement (de r茅elles am茅liorations dans la vie de gens bien r茅els) reste la principale mesure du succ猫s du Cycle de Doha. Quelles que soient les autres mesures de moindre envergure sur lesquelles vos n茅gociations d茅boucheront, le d茅veloppement sur une grande 茅chelle est l鈥檃une 脿 laquelle votre action sera jug茅e.鈥�

Ce sont les d茅tails qui comptent

La d茅claration de derni猫re minute du Commissaire au commerce de l鈥橴nion europ茅enne, Peter Mandelson, selon laquelle l鈥橴nion europ茅enne supprimerait les subventions aux exportations agricoles d鈥檌ci 脿 2013, en m锚me temps que l鈥檃cceptation d鈥檃vantages modestes en faveur des pays les moins avanc茅s, les promesses d鈥檜n financement accru de l鈥檃ide au commerce et la d茅cision de Washington d鈥檈xaminer certaines revendications des agriculteurs africains victimes des subventions am茅ricaines au coton (voir encadr茅) ont permis de sauver les n茅gociations.

En 茅change, les pays africains et autres pays en d茅veloppement ont accept茅 d鈥櫭﹍argir les d茅bats sur la lib茅ralisation des services - priorit茅 europ茅enne et am茅ricaine de longue date. Ils ont 茅galement accept茅 d鈥檃baisser leurs tarifs douaniers sur les produits industriels de mani猫re 脿 ouvrir leurs march茅s aux importations de biens manufactur茅s avant que les 脡tats-Unis, l鈥橢urope ou le Japon ouvrent les leurs. Selon le chef de la d茅l茅gation b茅ninoise, l鈥檃mbassadeur Samuel Amehou, la question n鈥檈st pas de savoir si les pays en d茅veloppement devaient composer 脿 Hong Kong, mais si l鈥檃ccord global r茅pondait 脿 leurs int茅r锚ts 茅conomiques et contribuait au d茅veloppement.

La r茅ponse se trouve dans le v茅ritable d茅dale de d茅tails, dont beaucoup restent 脿 n茅gocier. Mais d鈥檕res et d茅j脿, certains experts du Nord et du Sud pr茅tendent que l鈥檃ccord conclu 脿 Hong Kong ne r茅pond pratiquement pas aux objectifs de d茅veloppement de l鈥橝frique et renie les promesses faites 脿 Doha.

Dans le domaine agricole, l鈥檈xperte commerciale Aileen Kwa a confi茅 脿 Afrique Renouveau que 鈥渓es pays d茅velopp茅s n鈥檕nt pas vraiment boug茅 sur les subventions, sauf pour rappeler inlassablement la date butoir (de 2013) fix茅e par les Europ茅ens.鈥� Mme Kwa a fait remarquer que l鈥檕ffre de l鈥橴nion europ茅enne ne visait que les subventions aux exportations, d鈥檜n montant de trois milliards d鈥檈uros par an, alors que les subventions int茅rieures et autres types de subventions, d鈥檜ne valeur de 55 milliards d鈥檈uros, consid茅r茅es comme 鈥渘鈥檃yant pas d鈥檈ffets de distorsion sur les 茅changes鈥� 茅taient maintenues.

Il en est de m锚me pour les subventions agricoles am茅ricaines, a-t-elle not茅, 鈥渃ar comme il est impossible de s茅parer la production nationale de la production 脿 l鈥檈xportation, toutes les subventions finissent par aider les exportations, ce qui porte pr茅judice aux petits agriculteurs鈥� des pays pauvres.

Recul sur les tarifs douaniers et les services

L鈥檃ccord conclu sur les tarifs douaniers n鈥檈st pas meilleur. Au sommet de Hong Kong, les pays en d茅veloppement ont accept茅 脿 contrecoeur une formule de r茅duction des ta颅rifs aux termes de laquelle les pays pauvres s鈥檈ngageraient 脿 r茅duire leurs pr茅l猫vements sur les articles manufactur茅s avant que les pays riches fassent de m锚me. Les ministres du commerce africains ont pourtant fait valoir que les programmes d鈥檃justement structurel et les accords d鈥檃ide bilat茅raux conclus en dehors du cadre de l鈥橭MC les avaient d茅j脿 contraints 脿 op茅rer des coupes sombres dans leurs tarifs douaniers et que de nouveaux abaissements seraient injustes et imprudents.

L鈥檃mbassadeur Amehou a affirm茅 脿 Afrique Renouveau que l鈥檃ccord 鈥渘e contribuera pas au d茅veloppement de nos pays. Nous aussi, nous aimerions d茅velopper nos industries鈥�.nous avons expliqu茅 脿 nos homologues (des pays d茅velopp茅s) que le FMI et la Banque mondiale nous ont d茅j脿 impos茅 pas mal de conditions. On ne devrait pas avoir 脿 en faire plus. Autrement, nos industries risquent de dispara卯tre. L鈥橝frique risque d鈥櫭猼re submerg茅e par les marchandises venues d鈥檃illeurs."

Dans le domaine des services, les pays en d茅veloppement ont cherch茅 脿 ouvrir davantage l鈥檃cc猫s aux march茅s du Nord de leurs industries de services 脿 forte intensit茅 de main d鈥櫯搖vre comme la construction et les transports maritimes, o霉 leurs bas salaires leur accordent un avantage comp茅titif. Ils ont 茅galement essay茅 de pr茅server certains privil猫ges des accords pass茅s qui leur permettaient de prot茅ger les secteurs fragiles de leurs 茅conomies, comme la banque ou le tourisme, de la concurrence internationale. Mais, pr茅cise Mme Kwa, 鈥渓es pays d茅velopp茅s ont obtenu ce qu鈥檌ls voulaient 鈥� n茅gocier des accords sur des secteurs entiers des 茅conomies des pays en d茅veloppement鈥� sans aucune contrepartie.

Int茅r锚ts l茅s茅s

L鈥檃ccord conclu sur l鈥檃cc猫s en franchise et hors quota de 97% des exportations des pays les moins avanc茅s sur les march茅s du Nord a 茅t茅 salu茅 comme un grand succ猫s 脿 Hong Kong. Mais m锚me cet accord ne tient pas la route. 脌 premi猫re vue, il n鈥檡 a rien 脿 dire, d茅clare Tetteh Hormeku, directeur de programme pour l鈥橝frique de l鈥檕rganisation non gouvernementale Third World Network, mais, 脿 y regarder de plus pr猫s, m锚me un acc猫s total en franchise des exportations de ces pays-l脿 ne veut rien dire s鈥檌ls n鈥檕nt pas grand-chose 脿 exporter. Bien qu鈥檜ne personne sur huit vive dans ces pays, leurs 茅conomies ne produisent que tr猫s peu de produits exportables, repr茅sentant 脿 peine 0,5% des exportations dans le monde.

De l鈥檃vis de M. Hormeku, l鈥檃ccord n鈥檃 pratiquement aucun sens dans sa forme actuelle du fait du maintien des tarifs douaniers sur les 3% des marchandises qui comptent. 鈥淐es 3% pourraient permettre aux pays d茅velopp茅s d鈥檈xclure les pays les moins avanc茅s de leurs march茅s禄. Aux termes de cet accord, pr茅cise-t-il, un pays en d茅veloppement comme la Zambie aurait le droit d鈥檈xporter hors taxe aux Etats-Unis des avions et des ordinateurs, articles que la Zambie ne produit pas, 鈥渕ais pas du cuivre ou du riz que ce pays produit."

La diversification des produits 脿 l鈥檈xportation et l鈥檃m茅lioration de leur qualit茅 permettraient aux pays en d茅veloppement de tirer meilleur parti de l鈥檃ccord. 脌 cette fin, les pays industrialis茅s ont annonc茅 le renforcement des programmes d鈥檃ide au commerce dans le cadre de l鈥檃ccord avec les pays les moins avanc茅s. Mais une nouvelle fois les int茅r锚ts de ces pays s鈥檈n sont trouv茅s l茅s茅s.

Le chef de la d茅l茅gation zambienne, l鈥檃mbassadeur Love Mtesa, a parl茅 au nom de nombreuses d茅l茅gations africaines lorsqu鈥檌l a expliqu茅 aux journalistes pr茅sents au sommet que 鈥渓a lib茅ralisation 茅conomique鈥�a abouti au ch么mage et 脿 la fermeture d鈥檈ntreprises en Zambie. Pour que l鈥檃ide au commerce ait un sens, il faudrait qu鈥檈lle contribue 脿 r茅gler les probl猫mes que rencontre l鈥檕ffre鈥�, c鈥檈st-脿-dire qu鈥檈lle aide les pays pauvres 脿 augmenter la quantit茅 de leurs exportations et 脿 en am茅liorer la qualit茅. Mais les pays industrialis茅s ont insist茅 pour que l鈥檃ide accrue accord茅e aux pays en d茅veloppement soit consacr茅e 脿 l鈥檃pplication des dispositions fix茅es par l鈥橭MC.

鈥淟鈥檃ide au commerce ne tient pas compte du fond du probl猫me鈥�, convient M. Amehou, l鈥檃mbassadeur du B茅nin. 鈥淧renez l鈥檈xemple de mon pays. On exportait depuis des ann茅es des crevettes sur les march茅s europ茅ens, mais l鈥檃n dernier on a eu des probl猫mes avec les directives (de sant茅) phytosanitaires. Nous ne disposons pas de laboratoires pour les inspections.鈥� Aider le B茅nin 脿 s鈥檈n doter est un exemple concret d鈥檃ssistance utile.

Rien n鈥檃 chang茅

Les pays africains n鈥檕nt pas r茅ussi non plus 脿 faire corriger les disparit茅s et d茅s茅quilibres qui r茅gissent les r猫gles commerciales actuelles, que l鈥橭MC nomme 鈥減robl猫mes d鈥檈x茅cution."

Le refus des pays d茅velopp茅s de tenir compte des pr茅occupations des pays pauvres face aux probl猫mes d鈥檈x茅cution et au traitement sp茅cial et diff茅rentiel, avait contribu茅 脿 l鈥櫭ヽhec de la r茅union de l鈥橭MC en 1999 脿 Seattle. Depuis cette date, les pays en d茅veloppement ont pr茅sent茅, selon M. Hormeku, plus de 200 propositions visant 脿 modifier les accords existants et 脿 am茅liorer les dispositions relatives au traitement sp茅cial et diff茅rentiel. 脌 l鈥檌ssue de la r茅union de Hong Kong, toutefois, seules cinq recommandations ont 茅t茅 adopt茅es, dont une d茅rogation provisoire aux r猫gles r茅gissant les investissements li茅s au commerce et une formulation qui 鈥渄emandait instamment鈥� aux donateurs de ne pas affaiblir les mesures en mati猫re de traitement sp茅cial et diff茅rentiel en imposant des conditions 脿 l鈥檕ctroi d鈥檜ne aide ou de pr锚ts dans le cadre d鈥檃ccords bilat茅raux. Mais m锚me ces concessions modestes ne visent que les pays les moins avanc茅s.

Globalement, affirme l鈥檃mbassadeur Amehou, 鈥渓a r茅union de Hong Kong n鈥檃 pas r茅pondu 脿 nos attentes. On esp茅rait plus dans le domaine agricole, sur les pays les moins avanc茅s et le traitement sp茅cial et diff茅rentiel. Mais en fin de compte on n鈥檃 obtenu que tr猫s peu de choses sur les subventions 脿 l鈥檈xportation, sur les pays les moins avanc茅s et rien de particulier sur les probl猫mes d鈥檈x茅cution."

Le principal sujet de pr茅occupation de l鈥橝frique a 茅t茅 l鈥檕ctroi de subventions aux agricultures du Nord, a-t-il poursuivi, 鈥渆t sur les subventions int茅rieures on esp茅rait vraiment des progr猫s tangibles. Mais rien n鈥檃 茅t茅 fait!

Plus de quatre ans apr猫s le lancement du 鈥減rogramme de d茅veloppement de Doha禄, ajoute l鈥檃mbassadeur, on a du mal 脿 accorder une quelconque cr茅dibilit茅 脿 cette d茅signation. 鈥淥霉 est ce cycle de 鈥渄茅velop颅pement鈥�? Peut-on encore parler d鈥檜n cycle de d茅veloppement en l鈥檃bsence de traitement sp茅cial et diff茅rentiel lorsque les pays les moins avanc茅s ne b茅n茅ficient d鈥檃ucune disposition avantageuse et qu鈥檃ucune aide concr猫te n鈥檈st accord茅e au commerce?"

Pour sa part, M. Hormeku de Third World Network note que 鈥渓es 茅conomies africaines n鈥檕nt pas profit茅 de la lib茅ralisation du commerce. Nous sommes toujours les parents pauvres de l鈥櫭ヽonomie mondiale, qui rapatrie nos ressources et impose les conditions du FMI et de la Banque mondiale par le biais d鈥檃ccords commerciaux鈥�..Le syst猫me commercial actuel contraint les pays africains 脿 ouvrir tous les secteurs de leurs 茅conomies aux importations dans des conditions qui d茅couragent la production locale et la cr茅ation d鈥檈mplois.鈥�

La disparition des gains

Le syst猫me commercial international n鈥檃yant pas r茅ussi 脿 cr茅er la prosp茅rit茅 et le d茅veloppement 茅conomique des populations pauvres du continent, les sceptiques se trouvent en position de force. 脌 bien des 茅gards, l鈥橝frique est plus pauvre et moins industrialis茅e qu鈥檈n 1986, ann茅e o霉 le lancement des n茅gociations commerciales d鈥橴ruguay a marqu茅 le d茅but d鈥檜ne nouvelle 猫re de lib茅ralisation.

Vingt ans apr猫s, les nouvelles donn茅es publi茅es par la Banque mondiale font dire 脿 certains 茅conomistes que si l鈥橝frique n鈥檃 pas r茅ussi 脿 tirer profit des b茅n茅fices miroit茅s de la lib茅ralisation du commerce, c鈥檈st parce que ces b茅n茅fices n鈥檕nt jamais r茅ellement exist茅.

Selon une 茅tude r茅alis茅e en 2003 par la Banque mondiale, l鈥檌ssue heureuse des n茅gociations de Doha devait permettre la cr茅ation de nouvelles richesses d鈥檜n montant prodigieux de 832 milliards de dollars d鈥檌ci 脿 2015, dont la grande majorit茅 鈥� 539 milliards 鈥� devait aller aux pays en d茅veloppement et permettre 脿 144 millions de leurs habitants de sortir de la pauvret茅.

Des 茅tudes r茅centes remettent toutefois en cause les premi猫res estimations optimistes et soul猫vent de nouvelles questions quant aux b茅n茅fices de la lib茅ralisation du commerce pour le d茅veloppement des pays pauvres. En pr茅vision de la r茅union de Hong Kong, la Banque mondiale a estim茅 que, dans des conditions id茅ales, notamment si tous les tarifs douaniers et subventions agricoles 茅taient supprim茅s et si le plein emploi 茅tait r茅alis茅 脿 l鈥櫭ヽhelle mondiale 鈥� ce qui para卯t peu probable 鈥� le cycle de Doha permettrait de d茅gager 287 milliards de dollars de richesses nouvelles d鈥檌ci 脿 2015, soit 脿 peine un tiers des pr茅visions de 2003. Dans ce cas de figure il est vrai utopique, les pays en d茅veloppement recevraient 90 milliards de dollars seulement, soit 31% des b茅n茅fices, le reste allant aux pays riches.

Dans un cas de figure plus r茅aliste, les m锚mes experts ont conclu que Doha ne cr茅erait au total que 96 milliards de dollars de richesses suppl茅mentaires, dont 80 milliards de dollars iraient au Nord industriel et 16 milliards seulement au Sud en d茅veloppement.

Une analyse plus approfondie de ce cas de figure r茅alis茅e par deux chercheurs am茅ri颅cains, Timothy Wise, de l鈥橴niversit茅 Tufts et Kevin Gallagher, professeur 脿 l鈥橴niversit茅 de Boston, r茅v猫le que, loin de sortir l鈥橝frique de la pauvret茅, la lib茅ralisation du commerce ne ferait gagner que moins d鈥檜n centime am茅ricain par jour en moyenne 脿 chaque habitant des pays en d茅veloppement et ne r茅duirait les taux de pauvret茅 dans le monde que de moins de 0,5%.

De surcro卯t, la moiti茅 de ces gains, soit quelque huit milliards de dollars, seraient engrang茅s par huit pays seulement 鈥� l鈥橝rgentine, le Br茅sil, la Chine, l鈥橧nde, le Mexique, la Tha茂lande, la Turquie et le Viet Nam, alors que les pays les moins avanc茅s, dot茅s des 茅conomies les plus faibles, en b茅n茅ficieraient le moins. En revanche, les co没ts et les pertes encourus par la poursuite de la lib茅ralisation sont distribu茅s plus largement. 脌 partir d鈥櫭﹖udes pr茅c茅dentes de la Banque mondiale, MM. Wise et Gallagher ont 茅valu茅 les co没ts administratifs de l鈥檃pplication des directives de l鈥橭MC dans trois domaines seulement 鈥� l鈥檋ygi猫ne alimentaire, la propri茅t茅 intellectuelle et les r茅formes des services douaniers 鈥� 脿 quelque 130 millions de dollars par an en moyenne par pays pauvre, pour un montant total de quelque quatre milliards de dollars.

La diminution sensible des tarifs douaniers risque 茅galement de s鈥檃v茅rer tr猫s co没teuse pour les pays africains et les autres pays en d茅veloppement. Selon le r茅sultat final des n茅gociations sur les r茅ductions tarifaires, la CNUCED estime que les pays pauvres risquent de subir un manque 脿 gagner de l鈥檕rdre de 60 milliards de dollars.

鈥淟a lib茅ralisation entrave le d茅veloppement鈥�

La lib茅ralisation du commerce n鈥檃yant pas r茅ussi 脿 stimuler le d茅veloppement 茅conomique des pays pauvres, un nombre croissant d鈥櫭ヽonomistes se posent des questions sur sa v茅ritable utilit茅. Thomas Palley, 茅conomiste 脿 l鈥橴niversit茅 de Yale, 茅crivait au d茅but de 2006 que 鈥渓a pens茅e 茅conomique actuelle est plus r茅serv茅e sur l鈥檈ffet positif du commerce sur le d茅veloppement et la r茅duction de la pauvret茅鈥�Il y a une dizaine d鈥檃nn茅es, cette pens茅e affirmait haut et fort que le commerce stimule le d茅veloppement. Si c鈥櫭﹖ait vrai, compte tenu de la v茅ritable explosion des 茅changes commerciaux des 25 derni猫res ann茅es, il aurait d没 y avoir une forte croissance 茅conomique. En fait, on a assist茅 脿 un ralentissement de la croissance 茅conomique par rapport au quart de si猫cle pr茅c茅dent. Ceci laisse supposer que, dans le meilleur des cas, le commerce et la croissance n鈥檕nt qu鈥檜n rapport 茅loign茅鈥�, et que le commerce et la r茅duction de la pauvret茅 n鈥檕nt pratiquement rien en commun.

脡crivant dans Foreign Policy in Focus, magazine de Washington, M. Palley soutient que si la croissance est n茅cessaire pour r茅duire la pauvret茅 dans les pays en d茅veloppement, elle n鈥檈st pas suffisante. 鈥淟a v茅ritable priorit茅 des politiques 茅conomiques est l鈥檃m茅lioration des conditions de vie et non pas la croissance, dit-il. L鈥檃ffirmation selon laquelle le commerce contribue par d茅finition 脿 r茅duire la pauvret茅 est contredite par la disparit茅 croissante des revenus dans le Nord et le Sud鈥�L鈥櫭ヽart qui se creuse entre ces deux mondes au niveau des richesses prouve bien que l鈥檈ffet b茅n茅fique du commerce est minime禄.

Affirmant que les pays pauvres devraient envisager l鈥檃bandon des mod猫les de d茅veloppement ax茅s sur le libre commerce au profit de politiques de protection et de d茅veloppement de leurs march茅s int茅rieurs, M. Palley cite certaines 茅tudes r茅centes pour affirmer que l鈥檈xpansion commerciale d茅coule du d茅veloppement, plut么t que le contraire.

Mauvaise foi

L鈥檃ncien 茅conomiste principal de la Banque mondiale et laur茅at du Prix Nobel, Joseph Stiglitz, se pose aussi des questions sur le lien qui existe entre le d茅veloppement et le libre commerce. 鈥溍塩onomiste principal 脿 la Banque mondiale, j鈥檃i 茅tudi茅 le d茅roulement du cycle d鈥橴ruguay pour arriver 脿 la conclusion que les sujets qui y ont 茅t茅 abord茅s et les r茅sultats obtenus ont d茅savantag茅 les pays en d茅veloppement鈥�, 茅crivait-il en d茅cembre 2005.

鈥淟e cycle actuel de n茅gociations sur le d茅veloppement ne m茅rite pas son nom, poursuit-il. Un grand nombre de questions qui y sont d茅battues n鈥檃uraient jamais d没 figurer 脿 l鈥檕rdre du jour de v茅ritables n茅gociations sur le d茅veloppement, alors que de nombreuses questions qui auraient d没 y figurer n鈥檡 figu颅rent pas鈥�.Ceux qui affirment dans les pays en d茅veloppement que ces n茅gociations ont 茅t茅 men茅es avec une certaine mauvaise foi n鈥檕nt pas tout 脿 fait tort."

Dans une 茅tude intitul茅e 鈥淔air Trade for None鈥�, M. Stiglitz 茅crit qu鈥� 鈥渋l n鈥檈st pas surprenant que les n茅gociateurs des pays riches lancent 脿 la cantonade des statistiques impressionnantes en vantant les avantages de l鈥檃ccord, m锚me s鈥檌l est boiteux. Ils avaient fait la m锚me chose la derni猫re fois. Pour leur part, les pays en d茅veloppement n鈥檕nt pas mis longtemps 脿 comprendre que les b茅n茅fices qu鈥檌ls en tireraient seraient bien inf茅rieurs aux b茅n茅fices annonc茅s; quant aux pays les plus pauvres, ils ont constat茅 avec stupeur qu鈥檈n fait leur situation se d茅t茅riorait."

Alors que les n茅gociations du cycle de Doha tirent 脿 leur fin, M. Stiglitz se demande si les pays en d茅veloppement ont plus 脿 gagner en s鈥檕uvrant aux march茅s internationaux, qu鈥櫭� perdre en se soumettant aux exigences des pays riches. 脌 son avis, de nombreux pays en d茅veloppement finiront par se dire qu鈥檌l vaut mieux ne pas avoir d鈥檃ccord que d鈥檃voir un accord pr茅judiciable, comme c鈥檈st actuellement le cas.