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L’agriculture une affaire de femmes

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L’agriculture une affaire de femmes

Les femmes sont au cœur des efforts déployés pour nourrir le continent
Peter Titmuss/Alamy
Des ouvrières agricoles cueillant des poires dans la province du Cap-Occidental, en Afrique du Sud. Photo: Peter Titmuss/Alamy

En Afrique subsaharienne, les femmes produisent jusqu’à 80% des denrées alimentaires destinées à la consommation des ménages et à la vente sur les marchés locaux, selon un rapport de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans le cas de cultures comme le riz, le blé et le maïs, qui représentent environ 90% de la nourriture consommée par les habitants des zones rurales, ce sont essentiellement les femmes qui plantent les graines, s’occupent du désherbage, cultivent et récoltent les produits agricoles et en vendent les excédents.

Quant aux cultures secondaires (légumineuses et légumes, par exemple) la FAO indique que «La contribution des femmes... est encore plus importante». La FAO ajoute qu’on a l’impression que seules les femmes s’occupent de produire ces cultures. En outre, ce sont elles qui cultivent et entretiennent les jardins qui assurent le bien-être nutritionnel et économique indispensable.

Nourrir le continent

Toutefois elles continuent dans une large mesure à jouer un rôle de second plan, attirent très peu l’attention et ne reçoivent que très peu d’aide. Mais cette situation est en train de changer parce qu’elles sont à l’avant-garde des efforts visant à transformer le paysage agricole de l’Afrique. Prenons l’exemple de Grace Kamotho, maître de conférence à l’Université de Karatina au Kenya, où elle forme également les agriculteurs aux nouvelles pratiques et techniques agricoles permettant de réaliser des gains de productivité. «En tant qu’Africaine », a-t-elle déclaré à Afrique Renouveau, «Je reconnais qu’on associe davantage les femmes à la préparation des aliments, aux soins et à la famille, et je comprends combien il importe d’apporter aux familles une alimentation appropriée et équilibrée.»

Mme Kamotho a récemment participé à un atelier de formation sur la production de légumes de serre, au Centre pour le Développement agricole et la coopération du Volcani Institute, en Israël. Elle y a notamment acquis des connaissances sur la production de semences et la culture de jeunes plants de légumes. L’accent mis sur les légumes dans le cadre de cette formation lui a paru nécessaire car dans les zones rurales d’Afrique, les légumes complètent les repas à base de maïs, de riz, de pomme de terre, de manioc et d’igname, et constituent une bonne source de protéine.

«Ce sont généralement les femmes qui font les courses ou qui procurent à leurs familles de quoi manger. Dans certains cas, il s’agit d’aliments qu’elles font pousser dans des potagers,» ajoute-elle. Mais les agricultrices ne se contentent pas de labourer le sol : elles assurent également la gestion prudente de la production en décidant de ce qu’il faut garder pour le ménage et de ce qu’il faut vendre. «Quand une sécheresse ou une crise économique frappe, les femmes sont les plus touchées, car elles doivent trouver des moyens de subvenir aux besoins de leurs familles», explique Mme Kamotho.

Comparaison agriculteurs/agricultrices

Malgré le rôle et l’influence des femmes, celles-ci continuent à bénéficier d’un appui bien inférieur à celui des hommes. Un rapport de la Banque mondiale indique qu’au Nigéria, par exemple, alors que les femmes représentent environ 60% à 80% de la main-d’œuvre agricole, ce sont généralement les hommes qui prennent les décisions importantes concernant la gestion des exploitations. «De ce fait, les services de vulgarisation agricole du pays se concentrent habituellement sur les hommes et leurs besoins en matière de production.»

Dans leur ouvrage intitulé Transforming Gender Relations in Agriculture in Sub-Saharan Africa : Promising Approaches (Transformer les relations de genres dans le secteur agricole en Afrique subsaharienne: des approches prometteuses), Marion S. Davis, Cathy Farnworth et Melinda Sundell affirment que la productivité des femmes est inférieure à celle des hommes parce qu’elles ont un accès limité à des ressources telles que la terre, le crédit et d’autres facteurs de production. Dans une interview accordée à IRIN, un service d’information du secteur humanitaire des Nations Unies, Mme Sundell a déclaré qu’au Kenya, la valeur des outils des agricultrices était environ cinq fois inférieure à celle de leurs homologues masculins.

L’accès au crédit est inévitable pour l’acquisition de terres, de machines, d’engrais, de systèmes d’irrigation et de semences de qualité et l’engagement d’ouvriers. Lorsque l’obtention des femmes au financement est limité par rapport à celui des hommes, il en résulte un déséquilibre qui affecte la capacité des femmes à négocier leur rôle au sein des ménages, selon le Centre international de recherches sur les femmes (CIRF). Certaines banques ne facilitent pas l’accès au capital nécessaire, demandant notamment un garant de sexe masculin ou exigeant du bénéficiaire qu’il sache lire et écrire, note la Banque mondiale dans son Manuel sur la parité hommes-femmes dans le secteur de l’agriculture 2009. Makhtar Diop, le vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique, fait observer que «le statu quo est inacceptable et la situation doit évoluer afin que tous les Africains puissent bénéficier de leurs terres.»

Problèmes de financement

Le CIRF estime que les agricultrices propriétaires de terres et qui ont accès à des modes de financement disposent d’un plus grand pouvoir de négociation et gèrent mieux leurs revenus. En outre, il est établi que les femmes sont généralement plus nombreuses que les hommes à dépenser leurs revenus en frais d’alimentation, d’éducation et de soins de santé pour leurs familles.

L’ONU et d’autres organisations non gouvernementales étudient et mettent en œuvre des projets qui offrent aux agricultrices un meilleur accès au microcrédit. The Hunger Project (THP), une ONG internationale basée aux États-Unis, qui a des bureaux partout dans le monde, a créé un programme de micro financement qui offre une formation, des conseils financiers et des crédits aux agricultrices africaines. À ce jour, THP a prêté environ 2,9 millions de dollars aux agricultrices béninoises, burkinabés, éthiopiennes, ghanéennes, malawiennes, mozambicaines, sénégalaises et ougandaises. Celles-ci ont de ce fait augmenté leur production agricole.

Soro Yiriwaso, une autre institution de microfinance au Mali, aide les femmes dans le sud du pays à renforcer la sécurité alimentaire. Les femmes représentent 93,5% des emprunteurs de Soro Yiriwaso, et les deux tiers de son portefeuille de prêts sont consacrés à l’agriculture. Entre 2010 et 2012, dans le cadre de son programme Prêt de campagne, l’institution a accordé des crédits agricoles à des femmes membres de coopératives reconnues dans 90 villages au début de la saison des semis. Ces prêts sont remboursés avec intérêt après la récolte.

La bouée de sauvetage des dirigeants africains

Les dirigeants africains se sont également engagés à aider les agricultrices dans le cadre de la Déclaration de Maputo de 2003 (Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine), qui vise à accroître le soutien offert aux petits exploitants agricoles. ActionAid, une organisation humanitaire internationale, a exhorté ces dirigeants à tenir leur promesse afin que les agriculteurs puissent poursuivre leur lutte contre la faim. «Si les femmes bénéficient d’un accès égal à la terre et aux semences, tout comme leurs homologues masculins, nous pourrons réduire de 140 millions le nombre de personnes qui souffrent de la faim, soit une réduction d’environ 17%.»

L’une des raisons pour lesquelles les femmes africaines sont largement exclues de la prise de décision dans leurs foyers, au sein de leurs communautés et sous-représentées dans des rôles, tient à leur taux élevé d’analphabétisme. Mais, selon Swedish International Agricultural Network Initiative (SIANI), lorsqu’on leur en donne la possibilité, les femmes gèrent leurs exploitations aussi bien si ce n’est mieux que les hommes.

Dans une étude menée à l’ouest du Kenya, SIANI a constaté que les ménages dirigés par des femmes avaient des rendements agricoles inférieurs de 23% à ceux des ménages dirigés par des hommes. SIANI a attribué cet écart à l’accès moins sécurisé des femmes à la terre et à la faiblesse de leurs niveaux d’instruction. Un agriculteur zambien a confié à SIANI que «parfois lorsque les hommes meurent en laissant leurs femmes et leurs enfants, leurs exploitations continuent de fonctionner - parfois encore mieux que de leur vivant. Ceci est dû au fait que les femmes participent à la planification et à la prise de décisions».

Un avenir très prometteur

Heureusement, l’avenir est prometteur pour les agricultrices. Elles bénéficient de plus de possibilités de formation, de mesures incitatives et d’autres programmes destinés à fournir aux petites exploitantes agricoles des informations, des compétences et d’autres intrants pour améliorer la qualité et la quantité de leurs récoltes. C’est ainsi que dans la région de Mbeya en Tanzanie, la Fondation Bill et Melinda Gates offre aux agricultrices une formation en agronomie qui examine les normes et attitudes sexistes qui les dissuadent de s’engager dans la production de café. Ces agricultrices apprennent à améliorer la qualité et la quantité de café, et augmentent ainsi leurs revenus.

L’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), une organisation qui favorise la productivité et les moyens de subsistance des petits agriculteurs, s’est associée au ministère tanzanien de l’Agriculture pour lancer le programme de gestion intégrée de la fertilité des sols afin de promouvoir l’amélioration de la santé des sols grâce à la culture intercalaire de céréales et de légumineuses. Dans le cadre de ce programme, les femmes reçoivent des renseignements sur la fertilité des sols par le biais de radios communautaires, de téléphones portables et d’agents de vulgarisation agricole.

Toute transformation agricole en Afrique passera par la participation des femmes. «Investir dans l’autonomisation économique des femmes est un investissement à haut rendement, qui aura des effets multiples sur la productivité, l’efficacité et la croissance inclusive du continent», explique Kathleen Lay de ONE, une organisation qui milite en faveur de l’élimination de la pauvreté dans le monde. Le Centre international de développement des engrais, une organisation qui axe ses efforts sur l’amélioration de la productivité agricole dans les pays en développement, résume ainsi le concept: «L’agriculteur africain est principalement une agricultrice, capable de nourrir sa famille et son continent si on lui en donne les moyens nécessaires.»Ìý

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