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Au Nigeria, la violence sexuelle en débat sur les médias sociaux

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Au Nigeria, la violence sexuelle en débat sur les médias sociaux

Africa Media Online / Eric Miller
In Nigeria, where a  majority of cases of sexual violence go unreported, social media has brought the issue into the openAu Nigeria, grâce aux médias sociaux, le débat s'ouvre enfin autour des violences sexuelles.
Photo: Africa Media Online / Eric Miller

« Tuez-moi, tuez-moi, vous feriez mieux de me tuer. » Tels sont les mots d’une femme alors qu’elle se fait violée par un groupe de cinq hommes. Son supplice, filmé par l’un de ses agresseurs à l’aide de son téléphone portable, a fait le tour des réseaux sociaux en ligne. Le crime aurait été commis en août 2011 dans une résidence privée pour étudiants située à l’extérieur du campus de l’université de l’État d’Abia au Nigeria.

La vidéo de ce viol a attiré l’attention de la blogueuse Linda Ikeji. Son commentaire a provoqué colère et débats parmi les blogueurs, les utilisateurs de Twitter et au sein de groupes tels EnoughisEnough Nigeria, une organisation de jeunes.

La réaction initiale des autorités, empreinte de dédain, en a rajouté à l’indignation générale. D’autant qu’après avoir visionné la vidéo, le Commissaire de police principal adjoint J.G. Micloth a publié un communiqué expliquant que la victime n’avait pas résisté et que les suspects ne pouvaient pas être identifiés à partir des « jambes visibles dans la vidéo parmi les 70 millions d’hommes du Nigeria. »

La seule réaction positive des autorités est venue du ministre du Développement de la jeunesse Mallam Bolaji Abdullahi, qui a qualifié les violeurs de « décadents et barbares » et demandé à l’administration de l’université de l’État d’Abia de mener une enquête sur le crime.

Abike Dabiri, membre de la Chambre des représentants et la seule femme politique à avoir condamné publiquement ce viol, a essayé d’introduire la question dans les débats de l’assemblée législative. Mais elle a été réprimandée par un autre parlementaire qui lui a reproché de se mêler « d’affaires dont la police est capable de s’occuper » et a demandé qu’elle « s’occupe du cas personnellement et ne l’étale pas sur la place publique. »

Caroline Ajie, une avocate spécialiste des droits humains, ainsi que d’autres militants qui font campagne sur ces questions ont exprimé leur déception devant l’absence de réaction de l’épouse du Président qui pouvait « rendre publique une déclaration tacite et prendre la tête de la condamnation de cet acte ignoble. » Pourtant, la Première dame du pays est la fondatrice de Women for Change Initiative, un projet dont le but est de sensibiliser les femmes à leurs droits.

Un crime ignoré

Au Nigeria, une majorité des cas de violence sexuelle ne sont pas signalés. Ceci est largement dû à la peur de la victime qui craint d’être stigmatisée. Mme Ajie estime qu’au moins 2 millions de filles subissent chaque année des violences sexuelles au Nigeria. Cependant, seuls 28 % des viols font l’objet d’une plainte à la police. À peine 12 % mènent à des condamnations.

Elsie Reed, fondatrice de Delta Women, une organisation de défense des droits des femmes dans l’État du Delta, estime que 80 % des femmes nigérianes ont subi une forme ou une autre de harcèlement sexuel.

Marianne Møllmann, Conseillère technique principale pour Amnesty International à Londres, ajoute que les violences contre les femmes, particulièrement les violences sexuelles, sont souvent considérées dans de nombreux pays comme normales et inévitables. « J’ai parlé à des femmes à qui j’ai demandé si leur mari était violent, et elles disent “oui, parfois il me viole”, comme si c’était normal » raconte-telle. « Ça ne devrait pas exister. »

Selon l’initiative des Nations Unies contre la violence liée au sexe, Africa UNiTE, en Afrique subsaharienne, de 13 à 45 % des femmes subissent une agression de la part d’un « partenaire intime au cours de leur vie. »

Africa UNiTE rapporte qu’en Ouganda par exemple, 59 % des femmes entre les âges de 15 et 49 ans « ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire au cours de leur vie. »

Letty Chiwara, chef de la Division Afrique à ONU Femmes explique qu’un des éléments clés de la campagne Africa UNiTE est de «pousser les gouvernements à adopter des lois et des politiques qui ne traitent pas seulement de prévention, mais aussi de protection et de fournir des services aux victimes. »

Stimuler un débat en ligne

L’existence d’une preuve sous forme de vidéo du viol d’ABSU largement diffusée a ajouté à l’indignation provoquée par le manque de réaction appropriée des autorités nigérianes.

« Des viols se produisent dans ce pays, dans les universités et ailleurs » explique le blogueur Joachim MacEbong. « Un grand nombre ne sont pas signalés et ceux qui font l’objet d’une plainte finissent par un non-lieu. Alors, si une telle vidéo montre qu’il n’y avait clairement pas consentement et que nous ne pouvons rien faire à ce sujet, c’est complètement absurde. »

Les blogueurs ont été au premier rang dans le débat sur le viol d’ABSU. Des utilisateurs très populaires de Twitter ont également pesé dans le débat. Henry Okelue, un utilisateur Nigérian suivis par plus de 3 000 personnes a été très actif. « J’ai essayé d’aider les gens à se faire une opinion sur ce qui s’est passé, explique-t-il. Parce que quand les gens arrêteront d’en parler, ça sera la fin. »

La « marche du viol »

Le 5 octobre, moins de trois mois après le premier message de Mme Ikeji sur le viol d’ABSU, la campagne a migré des médias sociaux vers la rue avec l’organisation d’une « marche du viol » à Lagos et à Abia. Une marche semblable était prévue à Abuja, mais elle a été annulée après que les autorités de la capitale fédérale ont prévenu que la sécurité des marcheurs ne pouvait pas être garantie.

À Lagos, une soixantaine de personnes seulement était présente à la marche. Une indication du long chemin à parcourir pour cette mobilisation.

Cependant, selon Mme Reed l’utilisation de tribunes virtuelles pour lancer le débat commence à donner quelques résultats positifs. « Maintenant les gens manifestent, en parlent, montrent qu’ils sont conscients du caractère inacceptable du harcèlement sexuel. » Reste cependant qu’en dépit d’une campagne agressive sur les réseaux sociaux en ligne, en dépit « marche du viol » qui a suivi, personne n’a (encore) été inculpé pour le viol d’ABSU.

—Afrique Renouveau en ligne


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